Peinture
KLIMT OU L’APOGÉE DU SYMBOLISME
Catégorie : Peinture
"Le Baiser" : tableau de l'année 1907
"Quiconque désire me connaître comme artiste - et c'est tout ce qui compte vraiment - doit regarder attentivement mes tableaux et tenter d'y glaner ce que je suis et ce que je veux"... Gustav Klimt...
L'autrichien Gustav Klimt, qui est mon peintre symboliste préféré, malgré mon goût également très prononcé envers les préraphaélites anglais de l'époque victorienne, et des symbolistes français tels qu'Odilon Redon, Gustave Moreau, Puvis de Chavanne, Alphonse Osbert, Gaston Bussières, etc., naquit le 14 juillet 1862 à Baumgarten près de Vienne, dans le cadre de l'Empire austro-hongrois, celui des Habsbourg (qui exista de 1867 à 1918). Klimt étant décédé le 6 février 1918 à Vienne, il situa donc sa création artistique au moment qui fut appelé par les historiens "l'Apocalypse joyeuse" viennoise, lorsqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, Vienne la cosmopolite (que détesta tellement Hitler, justement pour cette raison), vit se produire en son sein une incroyable floraison artistique, et ceci dans plusieurs domaines. Klimt fut d'ailleurs le membre le plus important de ce qui s'appela le mouvement de "L'Art nouveau", et de "La Sécession viennoise"...
Gustav Klimt était issu d’une famille modeste, son père étant un simple artisan doreur. Gustav entra en 1876 à l’École des Arts Appliqués de Vienne. Il y poursuivit ses études jusqu’en 1883. En 1879, il participa à l’organisation du Festzug (les noces d’argent du couple impérial) sous la direction de Hans Makart. C'est en 1883 qu'il fonda avec son frère Ernst Klimt et son condisciple Franz Matsch un atelier de décoration. Il décora les plafonds du théâtre de Fiume en 1883, la villa Hermès à Lainz, le théâtre de Carlsbad en 1886, ainsi que l’escalier du Burgtheater de 1886 à 1888. En 1891, Klimt adhéra à l’Association des Artistes créateurs de Vienne (la Maison des artistes). En 1892, grâce au succès remporté par ses fresques pour le Kunsthistorisches Museum, il fut pressenti pour décorer les plafonds de l’aula magna (nom donné au grand hall ou au grand amphithéâtre que certaines universités réservent pour des occasions spéciales) de l’université de Vienne par des peintures allégoriques pour illustrer les trois facultés : la philosophie, la médecine, la jurisprudence...
Photographie Gustav Klimt : grand amateur de chats
A partir de cette époque, il se détacha progressivement du courant de l'école dite de l’académisme, sous la double influence de ses amis écrivains Arthur Schniltzer, Hofmansthal, et Hermann Bahr, et des artistes symbolistes tels que Böcklin, Khnopff, Klinger, Toorop, etc. En 1897, Gustav Klimt quitta le Künstlerhaus, avec notamment Carl Moll et Joseph M. Olbrich, pour fonder la fameuse "Sécession" susdite, dont il devint le président. Des divergences d’idées au sein du Künstlerhaus (ou de l’Association des Artistes viennois) obligèrent en effet Klimt et, avec lui dix-huit de ses amis ou sympathisants, à quitter ce groupe pour fonder l’association des Artistes autrichiens - ou "la Sécession de Vienne" -, le 25 mai 1887. Les premiers manifestes de la Sécession annoncèrent l’objectif principal de ces artistes :
"Nous ne connaissons pas de différence entre le grand et le petit art, entre l’art des riches et celui des pauvres. L’art appartient à tous"...
La Sécession se donna un périodique, qui fut publié à partir de 1898, sous le titre de "Ver Sacrum" (c'est-à-dire Printemps sacré). Et c'est en 1898 que Klimt peignit sa superbe représentation de la figure grecque antique de "Pallas Athéna"...
"Pallas Athéna" : tableau de l'année 1898
En 1900, la fresque de Klimt intitulée "La philosophie", considérée comme un outrage aux bonnes moeurs, fit scandale. L'artiste choisit de représenter la philosophie sous la forme d'une sphinge aux contours flous, la tête perdue dans les étoiles, tandis qu'autour d'elle se déroule tous les cycles de la vie, de la naissance à la vieillesse, en passant par les étreintes de l'amour. A gauche, à l'avant plan, la "connaissance" revêt les traits d'une femme fatale fixant de ses yeux froids et sombres le spectateur. Gustav Klimt exposa la fresque "La médecine" en 1901, ce qui suscita une interpellation de son protecteur de la chambre des députés, le ministre de l’Education Nationale von Harten. La médecine est représentée par une femme qui offre son corps, au côté des représentations de la souffrance et de la mort... En 1902, à l'occasion de l'exposition Beethoven à la "Sécession", autour d’une sculpture de Klinger, Klimt conçut une salle ornée d’une fresque pour illustrer la célèbre "9e symphonie" du "Maître de Bonn". Klimt peignit la "Jurisprudence", dernier volet de ses peintures pour l’université. La jurisprudence est représentée par un criminel en proie à ses instincts, tandis que la justice reste figée et impassible, enchâssée dans une mosaïque d'inspiration byzantine... Toujours en 1902, Klimt peint son tableau "Emilie Flöge"...
"Emilie Flöge" : tableau de l'année 1902 (vue partielle)
En 1904, le peintre reçut la commande d’une frise pour la salle à manger du palais Stoclet à Bruxelles, édifié par Hoffmann. L'année suivante, il se retira de la "Sécession". Puis vint la période de l'apogée de ses peintures sur fond or, avec le "Portrait d'Adele Bloch-Bauer I" (1907), "Le Baiser" (1907), "Danaë" (1907), ces deux dernières oeuvres ayant été présentées à la Kunstschau, première exposition collective de Klimt et de ses amis depuis le retrait de la "Sécession". En 1911, Klimt fit un voyage à Rome, Bruxelles, Londres, et Madrid. Mais, il décéda à Vienne le 6 février 1918 d’une attaque d’apoplexie, à l'âge de 55 ans, laissant de nombreuses toiles inachevées. Peintre de figures, de sujets allégoriques, de nus, de portraits, de paysages, il fut aussi dessinateur, décorateur, peintre de cartons de tapisseries et de mosaïques, céramiste et lithographe...
"Portrait d'Adèle Bloc-Bauer" : tableau de l'année 1907
"Danaë" : tableau de l'année 1907
"Il n'existe pas d'autoportrait de moi. Je ne m'intéresse pas à ma propre personne comme "objet de représentation", mais aux autres êtres, surtout féminins, et plus encore aux apparitions"...
Gustav Klimt
Jean-Luc Lamouché
5 avril 2019
LES GRANDS PEINTRES SYMBOLISTES
Catégorie : Peinture
Alphonse Osbert : Chant du soir (1906)
Les peintres symbolistes, qui réagirent par rapport au courant dit du réalisme (un mouvement artistique apparu en France et en Grande-Bretagne au milieu du XIXe siècle, et qui affirmait sa différence quant au romantisme, en se caractérisant par une quête du réel, une représentation brute de la vie quotidienne et l'exploration de thèmes sociétaux), développèrent leurs écoles pendant la seconde moitié du XIXe siècle et les débuts du XXe. Ils choisirent de retourner - mais en les projetant vers l'avenir - vers les sources de l'imaginaire issues du romantisme, et même, comme nous le verrons pour les préraphaélites, en direction du Moyen-Âge. Il faut signaler que le symbolisme ne toucha pas que le domaine de la peinture, puisque des poètes tels que Baudelaire (1821-1867), Rimbaud (1854-1891), et Verlaine (1844-1896), ou encore Mallarmé (1842-1898), doivent être considérés comme des symbolistes ou peuvent être perçus comme liés plus ou moins aux écoles picturales symbolistes. Il est évident que ces peintres voulurent réactiver l'imaginaire après la période du réalisme, sachant qu'un art qui n'évolue pas est un art qui ne peut que finir par mourir. Je vais m'intéresser successivement à des cas précis de préraphaélites anglais, des exemples de symbolistes français, et à l'immense peintre autrichien que fut Gustav Klim, sur lequel je reviendrai d'une manière plus approfondi dans un article ultérieur...
Les préraphaélites ne sont pas vraiment une "école", en raison de leur manque de style homogène entre les peintres ; mais, ils avaient les mêmes objectifs. Ce courant se développa à l'époque de la reine Victoria (qui règna de 1837 à 1901), avec comme point de départ l'année 1848. Ces peintres portèrent leur attention sur des caractères très précis, tels que l'importance de l'image de la femme et les légendes médiévales - notamment en rapport direct avec les drames lyriques composés par Richard Wagner (1813-1883). Ce mouvement avait des rapports avec la peinture des maîtres italiens du XVe siècle, prédécesseurs de Raphaël (1483-1520), comme modèle à imiter, mais bien sûr en les actualisant. Les œuvres des peintres préraphaélites avaient pour fonction d’être morales, mais cela n’excluait pas leur désir d’esthétisme. Le but de ces artistes était de s’adresser à toutes les facultés de l’Homme : son esprit, son intelligence, sa mémoire, sa conscience, son cœur… et non pas seulement à ce que l’œil voit. Les préraphaélites aspiraient à agir sur les mœurs d’une société qui, à leurs yeux, avait perdu tout sens moral depuis la révolution industrielle. Ils voulaient retrouver la pureté artistique des primitifs italiens, prédécesseurs de Raphaël, notamment en imitant leur style. Ils privilégiaient le sens du détail et les couleurs vives. A propos de l'image de la femme, je précise que, dans l'art préraphaélite, elles sont vues à la fois comme des anges salvateurs (telle la Béatrice de Dante), ou des beautés dangereuses. Les femmes représentées sont le plus très souvent des symboles : personnages bibliques, mythologiques… bien plus que des personnes. Parmi les plus important parmi les peintres préraphaélites, je citerais Edward Burne-Jones (1833-1898), Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), John Everett Millais (1829-1896), William Holman Hunt (1827-1910), John William Waterhouse (1849-1917), etc.
Edward Burne-Jones : Les Escaliers d'or (entre 1876 et 1880)
Dante Gabriel Rossetti : Lady Lilith (1) (entre 1866 et 1888)
Parmi les peintres symbolistes français, je relèverais Odilon Redon (1840-1916), Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), Gustave Moreau (1826-1898), Alphonse Osbert (1857-1939), Gaston Bussière (1862-1928), etc. On pourra remarquer en premier lieu les aspects vaporeux et oniriques particulièrement centrés sur l'image de la femme et les sociétés de l'Antiquité grecque. Puis, en second lieu, on constate la connexion établie avec les personnages des grands drames wagnériens...
Odilon Redon : Initiation à l'étude. Deux jeunes femmes (1905)
Gaston Bussière : Yseul la blonde (date précise inconnue)
J'en arrive à l'autrichien Gustav Klimt (1862-1918), un immense créateur, qui fut l'un des membres les plus en vue du mouvement de l'Art nouveau et de la Sécession de Vienne. Klimt est connu pour son utilisation de l'or dans les peintures, ce qu'il découvrit après avoir vu des mosaïques byzantines de Ravenne. Il s'intéressa à plusieurs types de représentations, mais lui aussi fut parfois attiré par l'Antiquité grecque - au niveau mythologique (ainsi avec son tableau "Athena"). Je ferai plus tard un article pour notre blog qui sera consacré à Klimt en tant que tel - pour l'ensemble de ses œuvres. Ici, ce n'était que pour une première approche, afin de le replacer par rapport au courant pictural symboliste pris dans son ensemble...
Gustav Klimt : Le Baiser (1907)
(1)- Lilith est un démon féminin de la tradition juive. Elle est à l'origine un démon mésopotamien. Dans les légendes juives qui se répandent au Moyen Age, Lilith est présentée comme la première femme d'Adam, avant Ève. Il s'agit donc bien plus d'un personnage mythologique que censé être religieux, par rapport à l'Ancien Testament.
Jean-Luc Lamouché
7 mars 2019