PSYCHO-HISTOIRE : "L'EXPERIENCE DE MILGRAM"...
Catégorie : Psychologie
Stanley Milgram (1933-1984)
Je pense qu'il est probable que trop peu de personnes (notamment pour ce qui concerne les plus jeunes, et n'ayant pas fait d'études de Psychologie, Philosophie, Sociologie, ou d'Histoire) aient entendu parler de ce qui eut lieu aux États-Unis durant les années 1960-1963, et qui fut présenté comme étant une "expérience" fondée sur des "tests psychologiques", tout ceci sous le couvert d'annonces dans un journal (afin de trouver des volontaires), et en présence de nombreuses "blouses blanches", un peu équivalentes à celles que l'on pouvait trouver dans un hôpital, ou une clinique, un élément plutôt rassurant. J'ajoute le fait que le très bon film français "I... comme Icare", réalisé par Henri Verneuil, avec Yves Montand dans un rôle d'un procureur (un Attorney aux Etats-Unis) - avec une sortie en salle en 1979 -, reprit les bases de cette "expérience". On y trouve notamment une scène célèbre où le "bourreau" potentiel (je m'expliquerai plus loin) finissait par essayer de souffler de bonnes réponses (ou "valides") à la "victime" (même chose), tout en lui envoyant des décharges électriques, en raison des réponses "non... valides" de la "victime" en question... Mais, que s'était-il donc passé dans le cadre de "l'expérience" réalisée par Stanley Milgram, un psychologue à propos duquel je donnerai plus loin des renseignements un peu plus précis au niveau de cet article... ?
Autoritarisme et Autorité : deux concepts opposés ?
Ma première connaissance de confrontation au comportement d'êtres humains face à l'obéissance à l'Autorité - puisqu'il s'agissait de cela - eut lieu lors de mes études. Etudiant en Histoire à l’Université des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, j’avais pu assister à une conférence de Max Gallo, professeur d'Histoire en faculté, sur le fascisme italien (dont il fut l'un des spécialistes), un cours d'une durée d'environ 2 heures et au cours duquel il nous raconta, en liaison avec le slogan fasciste "Mussolini ha sempre ragione" (ou "Mussolini a toujours raison"), face à notre amphi pétrifié, ce qui s'était produit lors de ces "tests" américains du début des années 1960. Je vais y venir, mais je dois vous dire d'abord que mon traumatisme fut si grand que, dès les débuts de mon métier ultérieur de professeur d'Histoire, j’avais, chaque année (en classe de première et terminale), raconté et fait réagir mes élèves (stupéfaits, eux aussi !) sur ces éléments troublants. Exposons donc les faits. Il s’agissait de ce qu' l'on appelle depuis "l’expérience de Milgram". Stanley Milgram (1933-1984) était un psychologue social américain principalement connu pour cette "expérience de Milgram" (sur la soumission à l'autorité). Il était considéré alors comme l'un des psychologues les plus importants du XXe siècle. Il organisa ces "tests" à l'Université de Yale (New Haven, Etat du Connecticut). Il voulait mesurer le degré de soumission à l’Autorité, mais pas de n'importe quelle autorité... Ces "tests" furent présentés comme une d'expérience d’apprentissage sur la mémorisation. Les volontaires ("bourreaux" potentiels, totalement ignorants qu’ils seraient en réalité les cobayes de l’expérience) étaient rétribués et issus de milieux sociaux et culturels diversifiés. Il n’y avait que des hommes, entre 20 et 50 ans. Les "victimes" et les représentants de "l’Autorité" étaient tous des comédiens professionnels. Des questions, sur des listes des mots à retenir, étaient posées aux "victimes" potentielles, attachées à un siège muni d’électrodes, et, en cas de réponses non valides, le "bourreau" devait sanctionner la "victime" par une décharge électrique de plus en plus forte au cours du déroulement de "l’expérience"... C’était "la règle"… définie par l'Autorité... 636 "bourreaux" potentiels furent testés. Eh bien, sachez que si les électrodes avaient été vraiment branchées, plus des 2/3 des "bourreaux" cobayes seraient allés jusqu’à une obéissance maximale - occasionnant des lésions plus ou moins graves, ou même, dans un certain nombre de cas, le décès, pour les "victimes"...
Les liens avec l’histoire contemporaine au XXe siècle (et plus particulièrement avec celle des totalitarismes) furent analysés devant nous par Max Gallo. Il nous rappela alors aussi, en dehors du fascisme italien, quelle avait été la ligne de défense des dignitaires nazis lors du procès de Nuremberg en 1945-1946. A la question de savoir qui était "responsable" de la "Shoah", la réponse, nous le savons, avait été toujours la même : "Nous avons obéi aux ordres, comme des soldats". Ou bien encore : "Nous étions en service commandé". Soit une idée sous-jacente : nous faisions partie d’une machine (institutionnelle)… Or, qu’avaient dit les "bourreaux", à la fin de "l’expérience" de Milgram, juste avant le "debriefing", quand on leur disait "ce qu'ils avaient fait" ? Tout simplement : "Mais je ne suis pas responsable ! C’est la machine ! C'est vous !", insistant sur le fait que les "blouses blanches" leur disaient, par phases, et en montée progressive : "Veuillez continuer, s'il-vous plaît".... "L'expérience exige que vous continuiez"... "Il est absolument indispensable que vous continuiez"... "Vous devez continuer"... "Veuillez poursuivre"… J'insiste sur le fait que les "punitions" infligées par les "bourreaux" aux "victimes" s'étaient évidemment produites en l’absence totale de l'existence de tout système de répression du type de celui qui existe dans un régime totalitaire ! Mais, l’individu était seul, armé de ses valeurs plus ou moins compatibles avec ce que l'on exigeait de lui, face à la "machine" et à un milieu perçu par lui comme étant "légitime", il se trouvait ainsi dans un "état agentique" (un terme des psys voulant dire... au service de..., par rapport à la structure d’Autorité). Cela dit, un bon nombre de psychologues et de philosophes des sciences contestèrent la méthode employée par Stanley Milgram...
Ces "tests" avaient donc montré le pouvoir sur un nombre très important de cerveaux humains d'une Autorité habituellement vue comme normale, donc "légitime". Je rappelle que, quelques années après cette expérience de Milgram, tout fut au contraire remis en cause en ce qui concerna l'autorité en général (dans les familles, l'école, les universités, etc.) par mai 1968 et la période qui suivit. De nos jours, la situation est beaucoup plus complexe sur ce terrain, et je dirais même contradictoire. En effet, d'un côté, il y a une grave crise de l'autorité, surtout dirigée en demandes vers les autres (la plupart des Français - par exemple - ne supportant toujours pas l'autorité lorsqu'elle se manifeste par rapport à eux ou leurs propres enfants, ainsi à l'école ; sans oublier le déchaînement de l'agressivité qui se déchaîne sur les réseaux sociaux). De l'autre, il y a parfois, selon certains, la nécessité légitime d’organiser des contre-pouvoirs citoyens par rapport à l'autorité, lorsque celle-ci est vue comme pouvant risquer de franchir les limites qui ont été fixées par la loi et la Constitution. Enfin, il y a aussi ceux qui n'acceptent pas les lois et voudraient pouvoir les remettre en cause dès qu'elles ont été approuvées par le suffrage universel... Et tout ceci n'est pas qu'un phénomène français, mais européen, et même occidental - voire au-delà. Pour conclure cet article, n'oublions pas que seuls des citoyens conscients dans une démocratie refondée et élargie vers le participatif peuvent constituer des anticorps par rapport à la "faille" qui existe à l'intérieur de l'être humain. D'abord, e psychanalyste Carl Jung, ancien élève de Sigmund Freud, avait très bien conceptualisé notre "part d'ombre". Puis, Hannah Arendt (à l'occasion du procès contre le "criminel de guerre" et responsable de "contre contre l'humanité", le nazi Adolf Eichmann), développa sur une très longue durée ses analyses en rapport avec "La banalité du mal", sans arriver à être vraiment satisfaite de ses travaux - pourtant remarquables - sur ce vaste sujet à la fin de sa vie...
Eléments bibliographiques :
"Expérience sur l'obéissance et la désobéissance à l'autorité" - Stanley Milgram, La Découverte, 2017, 96 pages
"Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal" - Hannah Arendt, Gallimard, 1997, 484 pages
C'est dans cet ouvrage que la philosophe développa donc le concept de la "banalité du mal", et ceci en 1963, dans l'ouvrage suscité
"L’Italie de Mussolini : 20 ans d'ère fasciste" - Max Gallo, Perrin, réédition 1982, 424 pages
"I... comme Icare" - Film de Henri Verneuil, 1979, 2 H. 02 min
Jean-Luc Lamouché
25 septembre 2019
TROIS GRANDS SITES DU NÉOLITHIQUE
Catégorie : Histoire
La Préhistoire commença avec le Paléolithique, et, beaucoup plus proche de nous, fut suivie par le Néolithique. Le Paléolithique, âge de la pierre taillée, fut la première époque de la Préhistoire, presque contemporaine du Pléistocène (1), durant laquelle les humains étaient des chasseurs-cueilleurs et pécheurs. Les hommes du Paléolithique étaient la plupart du temps nomades, et se déplaçaient au gré des saisons en fonction des ressources alimentaires disponibles, végétales ou animales. La densité de population était très faible, en particulier pendant les périodes glaciaires. Chronologiquement, le Paléolithique commença en Afrique avec l’apparition des premiers outils lithiques (en pierre), il y a 3,3 millions d'années. Il s'acheva 11.700 ans avec la fin de la dernière période glaciaire, débouchant sur le Mésolithique (2), d'abord au Proche-Orient, puis en Europe et dans le reste du monde. Le Paléolithique couvre donc approximativement 98 % de la durée de la Préhistoire, et se subdivise en quatre sous-périodes, correspondant aux grandes évolutions culturelles et techniques mises en évidence par les différentes fouilles archéologiques : le Paléolithique archaïque, le Paléolithique inférieur, le Paléolithique moyen, et le Paléolithique supérieur. Quant à l'époque du Néolithique, ou âge de la pierre polie, si l'on prend le cas du Proche et du Moyen-Orient ou de l'Europe, elle commença vers 10.000 avant notre ère, et correspondit à un progrès global considérable de l'espèce humaine, telle une véritable révolution globale, avant tout économique - la première que connut véritablement l'humanité -, avec la sédentarisation, l'agriculture, l'élevage, et l'artisanat, et se termina (une convention admise par les préhistoriens et les historiens) avec l'invention de l'écriture en Mésopotamie, dans le cadre des cités sumériennes, vers 3.500 av. J.C...
Les trois grands sites du Néolithique auxquels je vais m'intéresser se situent au Proche et au Moyen-Orient. En partant du plus ancien sur le plan chronologique, il s'agit d'abord de celui De Göbekli Tepe (situé en Turquie actuelle, dans la région de l'Anatolie du sud-est), puis de Catal Hüyük (toujours en Turquie et en Anatolie, mais dans sa partie centrale), et enfin de Jéricho (localisé en Cisjordanie actuelle, sur la rive ouest du Jourdain). La grande caractéristique commune entre ces trois sites archéologiques, c'est qu'ils correspondent aux civilisations et établissements humains les plus anciens de l'humanité, plusieurs millénaires avant l'apparition de la civilisation sumérienne - qui donna naissance aux premières cités-états, à des monuments religieux de taille gigantesque, et à l'invention de l'écriture, au débouché méridional des terres donnant sur le Golfe Persique - et près d'un millénaire avant la construction des grandes pyramides d'Egypte. Avec ces trois sites, et pour ce qui concerne le Proche et le Moyen-Orient, et donc également l'Europe occidentale, nous nous trouvons ainsi aux origines des premières manifestations civilisatrices d'envergure produites par l'espèce humaine. Cela dit, il convient de faire bien attention, car, d'une part, ces trois sites ne correspondent pas à la même période du point de vue chronologique, et, d'autre part, ce qu'ils nous donnent à voir présente des différences fort importantes...
Avec d'abord le site néolithique de Göbekli Tepe...
Reconstitution du site de Göbekli Tepe
Vue partielle du site de Göbekli Tepe
Je commence donc par Göbekli Tepe, en Anatolie du sud-est - comme je l'ai déjà annoncé. Göbekli Tepe se trouve sur un tell, qui est un monticule (en arabe ou en hébreux) artificiel formé à partir des déchets accumulés par les générations de personnes ayant vécu sur le même site depuis des centaines, ou plus fréquemment des milliers, d'années. Le tell de Göbekli Tepe comprend deux phases d'utilisation, considérées par le découvreur du site et excavateur allemand Klaus Schmidt, de nature sociale ou rituelle, qui remontent au Xe-VIIIe millénaire avant notre ère. Au cours de la première phase, appartenant à la période dite du Néolithique A pré-poterie, des cercles de piliers en pierre en forme de T massifs ont été érigés, et constituent à ce jour les plus anciens mégalithes connus au monde. Les recherches - avec des moyens très modernes - ont permis de connaître et de repérer plus de 200 piliers dans environ une vingtaine de cercles. Chaque pilier a une hauteur maximale de six m et pèse jusqu'à dix tonnes. Ils sont installés dans des prises qui ont été creusées au niveau du substrat rocheux. Dans la deuxième phase, appartenant au groupe du Néolithique pré-poterie B, les piliers érigés sont plus petits et constitués de pièces rectangulaires avec des sols en chaux polie. Le site fut abandonné après le Néolithique pré-poterie B. Les structures plus jeunes datent de l'époque classique. Les détails de la fonction de la structure restent encore un mystère (3). Le site a été en partie fouillé par une équipe d'archéologues allemands placés sous la direction de Klaus Schmidt de 1996 jusqu'à sa mort en 2014. En 2018, il fut classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Il faut ajouter un point important : la stratigraphie (les couches qui s’organisent en strates naturelles qui se superposent les unes au-dessus des autres selon la chronologie des événements qui ont eu lieu) est très imposante à Göbekli Tepe, ce qui atteste de nombreux siècles d’activité ; ils débutèrent au moins dès l’Epipaléolithique, plus couramment appelé le Mésolithique. On pense qu'à cette période finale du Paléolithique, le site de Göbekli Tepe servait de rendez-vous de chasse, et de centre de rencontre sociale, pour ces hommes, dans le cadre d'un ensemble précédant juste le Néolithique...
Avec ensuite le site néolithique de Catal Hüyük...
Reconstitution du site de Catal Hüyük
Une partie du chantier de fouilles de Catal Hüyük
Je passe au site de Catal Hüyük, en Anatolie plus centrale. Çatal Hüyük est un site archéologique de Turquie qui apparaît lui aussi comme l'un des plus importants de ceux du Néolithique découverts au Proche-Orient. Fondé à la fin du VIIIe millénaire av. J.-C., donc un peu plus près de nous par rapport aux premières phases de Göbekli Tepe, il atteignit son extension maximale entre le milieu du VIIe et le début du VIe millénaire av. J.-C. et couvrit une superficie d'environ 13 ha pour une population évaluée à 7.000 habitants et un millier de maisons. Au total, 12 niveaux d'habitation ont été dégagés (et la plus grande partie du site reste à fouiller). Les maisons sont constituées de briques de terre crue séchée au soleil. Ces briques sont d'une très grande dimension dans les phases les plus anciennes, certaines atteignant 1,5 m de long. Elles diminuent progressivement de taille au cours des siècles. Au début de l'occupation, les maisons sont non seulement accolées les unes aux autres, mais partagent les mêmes murs. Rapidement, bien qu'étant toujours accolées les unes aux autres, chaque maison possédait ses quatre murs. En raison de l'absence de rues, les habitations étaient seulement accessibles par une ouverture pratiquée dans le toit en terrasse et par des échelles en bois aboutissant au coin cuisine. Elles comprenaient généralement une pièce commune carrée de 20 à 25 m2 et des pièces annexes en partie réservées au stockage et à la préparation de la nourriture. Des petites fosses creusées dans le sol servaient de structures de stockage, pour des éléments d'obsidienne ou des boules d'argile, etc. La pièce principale disposait de bancs et de plates-formes pour s'asseoir et dormir, d'un foyer rectangulaire surélevé, et d'un four à pain voûté, situés généralement près du mur sud, c'est-à-dire sous l'ouverture d'accès au toit. L'architecture était renforcée par des piliers de bois intégrés aux murs. Les toits se constituaient d'une armature de chêne et de genévrier recouverte d'argile et de roseaux. Chaque maison était occupée durant environ 80 ans. Ensuite, elle était vidée de son mobilier, les sols nettoyés, et les différentes structures démantelées. Le four était parfois détruit, ou comblé. Puis, l'armature en bois de la maison était retirée, et les murs progressivement démolis, les briques broyées servant à combler l'espace vide. Il y avait alors construction d'une nouvelle maison, souvent sur le même plan que la précédente. Dans certains cas, on a pu observer six phases de reconstruction successives au même endroit. Ce site archéologique de Catal Hüyük représente le premier exemple - avec la première strate archéologique de Jéricho - de ville ou plutôt de proto-cité (4) de l'histoire de l'humanité. Des archéologues pensent que les populations qui y habitaient étaient ceux qui mirent au point les premières cités-états de la civilisation sumérienne ; ce qui fait qu'ils les considèrent comme des "proto-sumériens", descendus vers le sud des millénaires plus tard...
Avec enfin le site néolithique de Jéricho...
Reconstitution de la proto-cité de Jéricho
Vue sur les fouilles de la "Tour de Jéricho"
Pour ce qui concerne le site de Jéricho, la plupart des archéologues s'accordent pour dire qu'il s'agit de la plus vieille cité (bien que ce terme soit parfois discuté) du Proche et du Moyen-Orient, voire au-delà, d'une superficie de deux à trois ha . On a pu mettre au jour les restes de plus de 20 établissements successifs, dont le premier remonte à 9.000 ans av. J.-C. Les archéologues ont découvert les ruines d'une Tour, appelée "Tour de Jéricho" (5), remontant justement à environ 9.000 ans avant Jésus-Christ ; avec en plus un mur du type fortification... La découverte de cette haute tour de pierre située sur le bord de la ville eut lien en 1952, et elle a toujours déconcerté les scientifiques. Ceci à tel point que ces derniers ont pu parler du premier "gratte-ciel" du monde... Les constructions en pierre en disent long sur le système d'organisation des populations de la période, puisqu'on comprend qu'ils réussissaient à ériger des murs très épais et très hauts comme autant de fortifications pour protéger la ville. Et comment ne pas se rappeler que, dans la Bible, qui n'est certes pas une source historique directe, il est écrit que Jéricho fut la première ville de Palestine qui tomba aux mains des Israélites sous les ordres du successeur de Moïse, Josué. La ville aurait été acquise par le peuple conquérant de la célèbre "Terre promise" après la mise en œuvre d'un mystérieux rituel de courses autour de celle-ci et l'épisode connu sous le nom des "trompettes de Jéricho"... Les recherches archéologique à Jéricho ont été menées par Roy Liran, doctorant, et le Dr Ran Barkai, du Département d'Archéologie et des Anciennes Cultures du Moyen Orient de l'Université de Tel Aviv. Les chercheurs ont pu noter qu'on avait là le premier cas où l'homme avait érigé une structure aussi haute, et cela avant même la transition vers la production agricole et alimentaire liée au Néolithique dans la région. Roy Liran et le Dr Barkai pensent que la tour, qui a probablement nécessité une dizaine d'années pour sa construction, doit être considérée comme une indication de luttes pour le pouvoir au début de l'époque du Néolithique. Une personne, ou des personnes, auraient exploité les peurs primitives des habitants de Jéricho afin de les persuader de construire cette tour protectrice (?). Roy Liran et le Dr Barkai expliquent que "l'ombre de la colline, lorsque le soleil se couche le jour le plus long de l'année, tombe exactement sur la tour de Jéricho, l'enveloppe puis couvre l'ensemble du village" ; "pour cette raison (poursuivent-ils), nous suggérons que la tour était un élément terrestre reliant les habitants du site, avec les collines autour d'eux et avec l'élément céleste du soleil couchant". Sa construction pourrait donc être liée à la peur primitive et à des croyances cosmologiques des habitants (?). Cette première ville du monde était en fait un lieu de chasseurs-cueilleurs pré-agricoles. "C'était une période où s'est mise en place la hiérarchie ainsi que le leadership", a pu déclarer le Dr Barkai au Jerusalem Post, ajoutant : "nous pensons que cette tour a été l'un des mécanismes pour motiver les gens à prendre part à un mode de vie communautaire". Certains chercheurs avaient expliqué que la tour et le mur (murs défensifs imposants, de 3,5 m de large, 5 m de haut, eux-mêmes protégés par un fossé de 2 m de profondeur et 8 m de large) étaient un système de fortification et une défense contre les inondations, alors que d'autres suggérèrent que la tour et le mur étaient un marqueur géographique - celui du territoire des premiers habitants de Jéricho - et un symbole de la richesse et de la puissance de l'ancien village devenant par étapes une cité (?). Le site fut détruit à la fin du bronze moyen (aux alentours de 2.000 av. J.C.), peut-être en raison d'un tremblement de terre, ou à cause d'une forte incursion militaire des Égyptiens...
(1)- Le Pléistocène fut la première période géologique du Quaternaire et l'avant-dernière sur l'échelle des temps géologiques. Elle s'étendit environ de 2,58 millions d'années à 11.700 ans avant le temps présent. Le Pléistocène fut marqué par les cycles glaciaires. Sa fin correspondit plus ou moins à celle que, pour ce qui concerne l'évolution de l'humanité, les préhistoriens appellent le Paléolithique
(2)- Le Mésolithique fut la période située chronologiquement et culturellement entre le Paléolithique et le Néolithique. Littéralement, il s'agit de "l'âge moyen de la pierre". Pendant cette période, les groupes humains perpétuèrent un mode de subsistance qui avait été celui du Paléolithique (chasse, pêche, cueillette), mais sous un climat plus tempéré (proche du climat actuel), et en commençant à réduire leurs déplacements saisonniers et à mêler débuts de pratiques agricoles et activités telles qu'elles étaient au Paléolithique (chasse, pêche, cueillette). Le Mésolithique commença au Proche-Orient, puis s'étendit progressivement
(3)- Selon Schmidt, Göbekli Tepe serait un sanctuaire de montagne de l'âge de pierre. La datation au radiocarbone, ainsi que l'analyse stylistique comparative, indiquent qu'il s'agirait du temple le plus ancien connu à ce jour. Schmidt a estimé que ce qu'il appela cette "cathédrale sur une colline" était une destination de pèlerinage attirant des fidèles jusqu'à une distance de 150 km. Les os de boucherie trouvés en grand nombre dans le gibier local, tels que les cerfs, les gazelles, les porcs et les oies, ont été identifiés comme des ordures provenant d'aliments cuits ou préparés pour les fidèles. Pour Schmidt, le temple aurait ainsi précédé la ville - par rapport notamment aux futures cités-états sumériennes
(4)- Pour les archéologues, dès l'exemple de Catal Hüyük, le concept de proto-cité - à l'instar de celui de proto-état, structure qui n'est pas assez développé pour que l'on puisse vraiment parler d'un Etat - correspond à bien plus qu'un simple regroupement en gros village. Le préfixe proto, du terme grec prôtos, ou premier, désigne - en archéologie - l'étape d'une réalisation ou d'une séquence culturelle plus ou moins proche de l'accomplissement
(5)- La célèbre "Tour de Jéricho" a posé des problèmes aux archéologues puisqu'elle fut érigée avant le véritable essor de l'agriculture dans le cadre du "croissant fertile". Il s'agit certes d'un édifice du Néolithique, d'une hauteur de 7,75 m et d'une largeur de 9 m présentant 22 marches, et qui est datée de 8.300 av. J.C. On l'a premièrement identifiée comme une muraille, mais elle ferait en réalité partie d'une digue destinée à contrer les crues de la Wadi. Jusqu'à la découverte du temple de Göbekli Tepe en 1994 et des tours du Tell Qaramel en 1999 - monticule archéologique situé dans le nord de l'actuelle Syrie, à 25 km au nord d'Alep, et qui est le meilleur candidat pour le titre de vestige d'édifice public le plus ancien au monde
Eléments bibliographiques :
"Le premier temple : Göbekli Tepe" - Klaus Schmidt, Cnrs, 2015, 420 pages
"Catal Hüyük : Une des premières cités du monde" - James Mellaart, Tallandier, 1971, 229 pages
"De Babylone à Jéricho" - André Parrot, Imprimerie Nouvelle, 1934, 32 pages
Ce petit ouvrage pose la question des rapports entre certains sites archéologiques et la Bible
Jean-Luc Lamouché
28 août 2019
LE KID : UN GRAND CHAPLIN
Catégorie : Cinéma
Réalisateur : Charlie Chaplin - 1921
Une affiche du film
"Le Kid" (ou "The Kid") est un film de Charlie Chaplin, qui date de 1921. Ce fut le premier long métrage de Chaplin, et, en ce sens, "Le Kid" fait partie des films les plus importants de l'histoire du cinéma... Un enfant est abandonné par sa jeune mère désemparée au moment de sa naissance parce qu'un homme a abusé d'elle. Cette femme décide alors de l'abandonner, avec un mot - une lettre justifiant son acte - sur la banquette arrière d'une voiture cossue. Passent à ce moment deux vilains lascars qui volent la belle voiture, mais le bébé se manifeste. Les deux affreux bonshommes prennent alors la décision d'abandonner l'enfant dans une petite rue d'un quartier populaire. Le nouveau-né se retrouve ainsi abandonné une deuxième fois au coin d'une rue après que la voiture ait été volée. Et c'est là que Charlot le recueille et prend la décision de l'élever à sa manière. Quelques années plus tard, nous retrouvons Charlot exerçant la profession de vitrier, aidé, et de quelle façon, par Le Kid ! L'aventure commence... Entre petits boulots et petits délits, Charlot et Le Kid vont essayer tant bien que mal de survivre à la misère. Mais, après avoir amené un jour l'enfant chez le médecin, les services sociaux finissent par s'en mêler. L'homme et l'enfant s'enfuient, tandis que la mère, ayant depuis le début regretté son acte, finit par réapparaître...
Charlot et Le Kid enlacés
Nous avons deux personnages aux destins opposés. Charlot, le vagabond, vit d'expédients. Il ne sera jamais riche... Mais la ruse et la débrouillardise seront ses éléments de survie. De l'autre côté, la mère est une femme délaissée, désespérée, qui se trouve dans l'obligation de se séparer de son bébé. Durant cinq ans, le brave homme fait de son mieux afin que l'enfant puisse au moins manger à sa faim et qu'il puisse aussi lui être utile dans son métier de vitrier. Charlot fut en effet dans l'obligation de se trouver un métier pour avoir un logement et élever ce gamin qui un jour lui donnerait un sérieux "coup de main" afin de faire prospérer les affaires de son père adoptif... La mère, quant à elle, ne se remet pas de son acte d'abandon. Devenue une cantatrice célèbre, elle tente de se racheter en offrant des jouets aux enfants des quartiers pauvres. Elle soulage sa conscience de cette façon, mais le tourment la poursuit, et son enfant lui manque. Il doit avoir changé, et elle voudrait tant au moins pouvoir l'apercevoir. Pour Le Kid, la tendresse de Charlot est une aubaine, et il exerce consciencieusement son rôle de "vitrier" au nez et à la barbe du policier du quartier. Mais l'administration, inhumaine, va tout faire pour séparer Charlot de son protégé en voulant placer l'enfant dans une institution. La maman, toujours en quête d'indices pour retrouver son fils, arrivera t-elle à le revoir enfin, et Charlot réussira t-il à récupérer son jeune protégé... ?
Le Kid... Charlot... et le flic...
Intégrale de "Le Kid" : cliquer sur le lien ci-dessous
Choisir le français en cliquant sur le carré blanc vers le bas à droite / puis sur la roue dentée Paramètres / ensuite Traduire automatiquement / et Français en cliquant au bon endroit en faisant féfiler le dérouleur
https://www.youtube.com/watch?v=q1U0eKOOwsQ
Il s'agit d'un film (qui ne dure qu'une heure) sur lequel tout a été dit. C'est un moment de bonheur, d'émotion, et de révolte, agrémentés d'une pincée de gags dont le réalisateur avait le secret. Tout cela fournit un cocktail d'une merveille absolue. Ce film est très fort et incisif lorsqu'il nous montre les autorités poussées par des lois hostiles envers les pauvres - une situation que Charlie Chaplin pointe fortement. L'Amérique de cette époque apparaît comme une nation sans avenir pour les déshérités. La misère ira à la misère, et l'argent à l'argent. Le travail se fait rare, ce qui est démontré dans le film par ces voleurs qui se mettent au volant d'une voiture de luxe, cette femme, simple outil de plaisir pour un homme, contrainte de se débarrasser de son enfant (quitte à vivre une existence torturée par le remord). Nous avons aussi ce vagabond fataliste vivant d'expédients, Charlot, et c'est justement de cet être démuni que viendra la dose d'humanité qui habite cette œuvre. Un chef-d'oeuvre indispensable du septième art, qui mêle le comique et le tragique, avec une musique magnifique signée Charlie Chaplin (plus un extrait de la sixième symphonie de Tchaïkovski). Au niveau des acteurs, il y a bien sûr d'abord Charlie Chaplin (sublime, capable de nous faire rire, mais aussi pleurer). Puis, Edna Purviance (la mère, émouvante, admirablement interprétée). Ensuite, Tom Wilson (le flic de service, chargé, avec son terrible regard débordant de hargne, de débusquer les pauvres). Et Jackie Coogan (l'enfant, Le Kid, craquant, bouleversant, et étonnant, dans ce rôle très délicat d'enfant rejeté par la société américaine). Avec ce film, on se trouve face au génie de Chaplin. Il faut dire que tous ces acteurs du cinéma muet avaient un talent considérable pour faire ressortir les sentiments, les joies, et les peines, de leurs personnages...
Christian Alinat
14 août 2019
LA CHRISTIANISATION DE L'ECOSSE
Catégorie : Histoire
Célèbre Croix celtique
La christianisation de l’Ecosse à partir des IVe-Ve siècles ap. J.-C. joua un rôle important dans l’histoire de cette nation, et ceci jusqu’aux Guerres de religions du XVIe siècle. Cet article va parler des religions qui étaient présentes en Ecosse et bien sûr de l’arrivée du Christianisme comme religion nouvelle. Celle-ci se fit pendant l'existence de la culture civilisationnelle du peuple des Pictes (une confédération de tribus vivant dans ce qui est devenu l'Écosse du Nord et de l'Est, et présents avant la conquête de l'île de Bretagne - la Grande-Bretagne actuelle - par les Romains, ceci jusqu'au Xe siècle). Commençons donc par les cultes anciens. Avant l’arrivée de la nouvelle foi chrétienne, les premiers habitants de l’Ecosse croyaient en un panthéon composé de plusieurs divinités (polythéisme) : probablement les mêmes que sur le continent européen. On retrouve d'ailleurs même des traces de croyances antérieures au culte des dieux celtiques. Ces populations pratiquaient par exemple un culte lié à l’eau, un phénomène qui était fréquent dans toutes les religions primitives. Ce culte s’articulait autour des rivières, fontaines, puits et lacs. Une autre coutume est attestée : celle des têtes coupées. Les Pictes pratiquaient des sacrifices d'animaux, mais aussi en effet des sacrifices humains. Les Pictes croyaient en l'Au-delà. Dans leur culture funéraire, on à la pratique de la crémation, puis l’apparition de tombes individuelles, donc l'inhumation. Un culte lié aux arbres (les Arbres sacrés) est aussi attesté. La religion de ces peuples s'articulait évidemment autour de la magie et du chamanisme. Précisons que les druides étaient très présents dans la société, y jouant un rôle important : celui de pilier social central, en tant que détenteurs du savoir...
Image symboliste d'un druide à l'époque celtique
En ce qui concerne la présence des premiers chrétiens en Ecosse (sans omettre l'Irlande), elle est attestée dès le Ve siècle ap. J.C. Il faut dire que la diffusion de cette nouvelle religion, dont le culte avait été rendu officiel dans l'empire depuis Constantin le Grand, était due à l’activité intense du commerce entre l’île de Bretagne (que les Romains appelaient "Britannia") - qui avait été en partie conquise par Rome depuis Jules César et surtout l'empereur Claude - et le continent. La présence de soldats chrétiens dans l’armée romaine est attestée et a sans doute pu faire avancer la progression du christianisme. Les premiers évangélisateurs commencèrent par convertir les élites (politiciens, rois, et marchands, etc.). Les missionnaires rencontrèrent des difficultés pour la conversion du peuple, qui était très ancré dans ses anciennes croyances. Le christianisme étant axé sur le patriarcat, ces populations n’arrivaient pas à comprendre cette société romaine qui, elle, était fondée sur la succession par les femmes (matrilinéaire, donc avec un système de filiation dans lequel chacun relevait du lignage de sa mère.). Avec les premiers chrétiens, de nombreux monuments religieux (abbayes, églises, fondations chrétiennes diverses) apparurent dans le cadre des royaumes pictes. Les plus anciennes traces archéologiques de ce phénomène historique fondamental datent des Ve-VIIe siècles (certaines sources évoquant l'année 450 ap. J. C. pour les débuts). Les premiers écrits attestant la présence de la foi chrétienne datent précisément de 565 ap. J.-C...
Des missionnaires intervinrent pour l'évangélisation chrétienne. Deux religieux jouèrent ainsi un rôle important dans la christianisation de l’Ecosse. D'abord, il y eut Saint Ninien, un missionnaire d’origine bretonne. Il étudia à Rome et séjourna dans la capitale de l'Empire autour des années 300. Il fut le fondateur du "Candida Brava" (un grand centre religieux). Saint Ninien semble être arrivé à Withern (dans le Lincolnshire, en Angleterre) aux alentours des années 500. Ensuite, ce fut le célèbre Saint Colomba, qui était d'origine irlandaise, et fonda le monastère d’Iona, qui réussit à supplanter les autres monastères. Les moines tenaient une chronique qui deviendra le Livre de Kells (1). Saint Colomba était né dans le comté de Donegal (en Irlande), précisément le jeudi 7 décembre 521. Sa mère était une princesse de la maison royale de Leinster (2). Saint Colomba appartenait aux clans des Ui Neill (du nord de l’Irlande). Ses parents l’envoyèrent en forestage (il fut ainsi élevé dans une autre famille que la sienne) et le destinèrent à une vocation religieuse. L'ecclésiastique qui l’éduqua s’appelait Gruithnan. Saint Colomba poursuivit sa vocation auprès de Saint Finnirian de Morville, puis continua son instruction auprès de Clonmarc. On le considéra bientôt comme étant le père du monachisme (réseau des monastères) chrétien celtique. Son ordination eut lieu à Glasvenein, dans le sanctuaire de Saint Mobbi. Il fonda le monastère de Durrow, situé dans le comté d’Offaly, puis partit évangéliser l’Ecosse...
Statue représentant Saint Ninien
Image représentant Saint Colomba
Columba arriva sur l’île d’Iona, en 563. Il organisa alors la fondation d'un monastère et le dirigea jusqu’à sa mort en 597. Il devint progressivement le plus important chef religieux du royaume du Dal Riatà. Son chemin de croix fut la fait d'avoir à faire l’évangélisation des Pictes. Il rencontra leur souverain en 565 ou 575. Il entreprit alors sa tâche avec son réseau d’abbayes. La liturgie était tournée vers le courant celtique. Il y avait, sur ce plan, pour faire en sorte que l'adaptation puisse se faire plus facilement, plusieurs points de différences avec Rome (date de Pâques, tonsure des moines, doctrines, mariages des prêtres, etc.). Des faits qui provoquèrent un conflit théologique... Celui-ci fut réglé à Withby en 664, après la mort de Saint Colomba, sous l’égide et la demande du roi Oswy. Mais, on assista ensuite au retour des différences théologiques après la victoire de Bridei à la bataille de Nechtansmére en 685. Le monachisme local fut pourtant supplanté définitivement par Rome en 710. Le clergé, en particulier celui d’Iona, fut amené à se soumettre à la papauté romaine en 716. Un nouveau centre religieux avait vu le jour aux alentours de l’an 700 à Dunkeld. Il eut bientôt la prééminence sur les établissements des Pictes et des Scots. En ce qui concerne Iona, il devint le lieu d’inhumation des rois d'Ecosse à partir de Donald III (1033-1099). J'ajoute qu'en 750, à Rosemarkie (3), un monastère vit le jour, et devint l'un des plus importants centres religieux du pays après celui d'Iona...
Ensemble du monastère d'Iona
(1)- Le "Livre de Kells", connu aussi sous le nom de "Grand Évangéliaire de saint Colomba", est un manuscrit illustré de motifs ornementaux et réalisé par des moines de culture celtique aux alentours de l'année 800. Considéré comme un chef-d'œuvre du christianisme irlandais et de l'art irlando-saxon, il constitue, malgré son inachèvement, l'un des plus somptueux manuscrits enluminés ayant pu survivre à l'époque du Moyen Âge
(2)- Le Leinster était l'une des quatre provinces traditionnelles de l'Irlande. Recouvrant la partie orientale de l'île, son territoire avait pour principal pôle urbain la métropole irlandaise de Dublin
(3)- Rosemarkie est situé sur la côte sud-ouest de la péninsule de Back Isle, au nord de l'Écosse. La localisation de la ville actuelle se trouve à 0,4 km de celle de Fortrose, ce qui nous place à 19 km au nord-est d'Inverness
Eléments bibliographiques :
"Histoire de l’Ecosse : Des origines à 2013" - Michel Duchein, Tallandier, réédition 2013, 797 pages
"Les Pictes : A l’origine de l’Ecosse" - Fréderic Kurzawa, Edition Yoran, 2018, 511 pages
Romain Nicolas
28 juillet 2019
POLITIQUE : ASPIRATEURS OU COALITIONS ?
Catégorie : Histoire et Actualité
Parlement européen à Strasbourg
Depuis les élections présidentielles de 2017, la France se trouve - par rapport à ses traditions issues de la IIIe, la IVe, et même la Ve République(s) - dans une drôle de situation ; en tout cas vraiment inconnue jusqu'à notre époque. En effet, jusqu'alors, je dirais depuis l'installation de la IIIe République (entre 1870 et 1875), notre pays avait été gouverné par des "coalitions" face auxquelles il y avait une opposition unique ou des oppositions (notre pays étant naturellement de type multipartiste). Une relative exception pourrait être signalée à propos des soutiens dont diaposa le régime de la Ve République du général de Gaulle (à partir de 1958) dans la mesure où le gaullisme compta surtout des forces venant de la droite, mais aussi de la gauche, avec tout un courant dit de "gaullistes de gauche", qui étaient issus de l'image de la légitimité historique qu'avait atteinte "le Général" depuis l'époque de la Résistance. Or, avec le considérable effondrement du PS - son candidat, Benoît Hamon, n'ayant obtenu que 6,2% des suffrages exprimés au 1er tour (en avril 2017) - et l'effritement originel de la droite (en raison des affaires qui collèrent à la peau de François Fillon, et sans lesquelles ce dernier aurait sans doute gagné ces élections), on se trouva dans une situation nouvelle fondée sur le "dégagisme". Celui-ci, que voulait exercer exclusivement Jean-Luc Mélenchon, fonctionna au profit de la personnalité d'Emmanuel Macron. Ce qui fit la force de celui-ci fut le fait qu'il avait été ministre dans un gouvernement de gauche, avec comme président de la République François Hollande (donc pour des actions politiques de type social-démocrate, voire même social-libéral), en somme pour un centre-gauche modéré...
Pendant la campagne des élections présidentielles, deux solutions politiques étaient possibles. La première, qui l'emporta face à Marine Le Pen lors du second tour du mois de mai, consistait à regrouper - ce qui ne s'était jamais produit dans notre pays (sauf en 1875, lorsque les monarchistes orléanistes et les républicains modérés s'unirent pour bâtir la IIIe République) des hommes et des femmes venant de la gauche modérée et de la droite également modérée ; une sorte de centrisme global en fait, dont Emmanuel Macron apparaissait comme incarnant l'axe central. Le nouveau Président de la République avait été élu par 2/3 des électeurs qui venant de la gauche et 1/3 de la droite (notamment des juppéistes), sans oublier les centristes historiques regroupés autour de François Bayrou comme force d'appoint. C'était le célèbre slogan macronien du "et droite, et gauche" lancé par le nouveau et jeune président, qui s'appuyait sur le fait que, depuis longtemps, la grande majorité des français appelaient de leurs vœux un Exécutif (Président et Premier Ministre) qui pourrait rassembler "les plus compétents" dans le personnel politique dirigeant et, en même temps, les plus aptes à faire face à l'extrémisme de droite comme de gauche (1)... Dans la foulée du résultat des présidentielles, le mouvement politique du président, LREM (La République En Marche), compta une majorité considérable de députés (304 sièges sur un total de 577), dont la moitié étaient d'anciens sympathisants, voire conseillers municipaux, socialistes - et le plus souvent de tradition rocardienne et cédétiste (la CFDT), soit de ce que l'on appelle la "deuxième gauche"...
Mais, une autre solution politique aurait été possible, et qui aurait pu - elle aussi - battre (peut-être moins nettement ?) Marine Le Pen pour le second tour du mois de mai 2017. Il aurait fallu pour cela pouvoir disposer d'un candidat unique de toutes les gauches, plus des écologistes d'EELV (Europe Ecologie Les Verts), au premier tour. Or, que se passa-t-il ? Lorsque les sondages sérieux furent communiqués, on put voir que c'était très nettement Benoît Hamon, se rattachant - aux yeux des électeurs de gauche - à la tradition socialiste, qui aurait eu le plus de chance de battre la candidate du RN (Rassemblement National) Marine Le Pen. En effet, Hamon monta, jusqu'à 16 à 17% dans les intentions de vote ; à des moments où Jean-Luc Mélenchon était à peine à 10%... A plusieurs reprises, Benoît Hamon demanda donc à Mélenchon - comme c'était la règle dans la tradition de la gauche française (sous le nom de "discipline républicaine"), depuis au moins la fin de la Guerre froide entre l'Est et l'Ouest, de se retirer à son profit pour le premier tour, en tant que "candidat des gauches le mieux placé". Ceci dans le but de lui permettre (et au profit des gauches dans leur ensemble) d'arriver second, voire premier, lors du premier tour, très près (voire devant) de François Fillon (avant le quasi-suicide politique du candidat de la droite) et de Marine Le Pen. Benoît Hamon fit cette proposition plusieurs fois au chef de LFI (La France Insoumise), et ne reçut que des réponses négatives, et souvent même assez agressives... Autrement dit - et si en plus EELV n'avait pas présenté de candidat (Yannick Jadot) -, il y aurait eu de grandes chances pour que l'union des gauches, plus les écologistes, remportent les présidentielles... D'autant plus qu'une partie des électeurs socialistes ne seraient pas allés se "réfugier" dans le vote en faveur d'Emmanuel Macron pour barrer la route à Marine Le Pen dès le premier tour...
Le grand responsable, en 2017, de l'impossibilité de mettre en place cette "coalition" des gauches et des écologistes fut donc Jean-Luc Mélenchon, et accessoirement l'ancien frondeur du PS Benoît Hamon qui, au lieu de reprendre en main les clés de l'appareil socialiste (pour en changer le logiciel - une partie du programme -, voire le nom), était allé créer une sorte de mini-PSU (2), sous le nom de "Génération(s)"... Tout ceci apparaît comme incompréhensible, sinon en rapport avec la querelle des egos (?). Et, la grande question est la suivante : pourquoi Mélenchon eut-il ce comportement suicidaire pour les gauches ? Il y a plusieurs éléments de réponse à ce niveau... En premier lieu, en rapport avec la personnalité même, le "moi", de Mélenchon, prêt à écraser tous les autres dirigeants des partis de gauche (par esprit de revanche à l'égard de ses anciens camarades du PS ?), plus son incapacité psychologique à accepter des compromis (de négocier), ce terme lui apparaissant toujours comme synonyme de compromissions. En second lieu, il faut dire qu'avec sa nébuleuse politique de LFI, Mélenchon quitta progressivement les rives de la gauche prise dans son ensemble, sur le plan historique, par rapport à une période remontant au moins à Jaurès (donc aux débuts du XXe siècle). Il quitta la gauche d'abord par son propre "culte de la personnalité" et son autoritarisme de plus en plus marqué au sens de son mouvement ; un autoritarisme qu'il avait pourtant su masquer pendant la campagne des présidentielles de 2017 avant le premier tour, où il obtint - en partie pour cette raison - environ 19,5% des suffrages exprimés ! (3). Il quitta ensuite les rives de la gauche par son évolution en liaison avec une ligne politique de type "populiste", en rupture de plus en plus importante avec ce qu'avait toujours été le socialisme et le communisme en France, prenant des positions très nettement souverainistes, puis même souvent quasiment nationalistes (4)... Au total, si Mélenchon était resté sur une ligne de gauche unitaire, fédérative, et populaire, il aurait pu gagner le second tour des présidentielles face à Marine Le Pen, François Fillon étant tombé auparavant - pour les raisons que nous connaissons. Mais, une question, que je me dois de poser : Mélenchon fait-il vraiment encore partie des gauches... ?
Nous savons tous que ce scénario d'une victoire mélenchoniste ne pouvait pas se produire, avant tout en raison de la personnalité même de Jean-Luc Mélenchon, qui joua - d'ailleurs un peu comme pour Emmanuel Macron - le jeu d'une stratégie "d'aspirateur" (voulant avaler sur son seul nom l'électorat de Benoît Hamon, celui qui restait du PS, une partie des sympathisants écologistes d'EELV, plus ce qui demeurait comme électeurs du PC ; soit une "gourmandise" gargantuesque assez inquiétante, qui lui coûta très cher, et qui fut suicidaire pour lui-même et l'ensemble des vrais partis de gauche. A partir de là, Emmanuel Macron, avec son "et droite, et gauche", vit s'ouvrir devant lui un véritable boulevard - autre effet "aspirateur" (comme je l'ai écrit ci-dessus), puisque LREM se présenta vite comme la volonté d'être quasiment la seule vraie force politique de la majorité présidentielle, les centristes de François Bayrou (le MODEM) pesant très peu dans cette affaire. Au lieu d'accepter l'idée de mettre en place une "coalition" (avec par exemple des constructifs de droite et de gauche indépendants) - et se comportant ainsi à la manière de Mélenchon -, le nouveau chef de l'Etat ne chercha absolument pas à bâtir une alliance, dans la mesure où, pour lui, LREM, qui comprenait des élus du centre-droit et d'anciens sympathisants socialistes, avait vocation à être le parti unique de la nouvelle majorité présidentielle... Et là, pour moi - et je pèse mes mots -, grave erreur, car plus aucune possibilité d'alternance douce, mais uniquement celle, frontale, avec le RN de Marine Le Pen...
Depuis les élections européennes, Emmanuel Macron semble avoir enfin compris la nécessité d'établir une "coalition" unissant tous les pro-européens au niveau de l'UE : la droite modérée, son mouvement centriste "Renaissance" et les membres de ce groupe de députés européens, une bonne partie des élus socialistes, plus des écologistes (surtout les GRÜNEN allemands) ; ceci pour faire face au danger que représente, au sein du parlement européen, et pour nos démocraties, la montée des populistes nationalistes - même si elle a été récemment (pour l'instant ?) endiguée. Unir dans une "coalition" les partis pro-européens (avec des différences au niveau de la conception de l'UE, mais unis sur l'essentiel) au sein du nouveau parlement européen est une excellente chose (5). Mais, que feront les élus d'EELV (alors que Les Verts allemands, ont toujours soutenu les majorités pro-européennes, de centre-gauche comme de centre-droit). Et puis, il reste, pour la France, l'étage national... LREM et EELV ne seront-ils pas obligés - à terme - de constituer une forme plus ou moins élaborée de "coalition" obligée, à l'image de celle que Les verts Allemands ont très souvent faite avec les socialistes du SPD, ou la CDU (les démocrates-chrétiens) ? Cette union pourrait se faire sur deux plans : le côté pro-européen bien sûr (même s'il y a des différences de conceptions - mais le danger populiste nationaliste menace) et les conséquences politiques éventuelles des récents propos du leader d'EELV Yannick Jadot ayant déclaré lui aussi qu'il n'était, même pas "et de droite, et de gauche", mais "ni de droite, ni de gauche"... ? L'avenir le dira... En tout cas, ce qui va dans ce sens, c'est le fait que la liste LREM a obtenu un résultat inattendu pour les européennes (pratiquement le même % de suffrages exprimés que le RN), et que EELV a besoin d'alliés, d'une "coalition" (à géométrie variable ?), pour avoir davange d'élus locaux, soit à gauche (mais quid de LFI de Mélenchon ?), soit justement avec LREM, pour des alliances (au moins ponctuelles) dans le cadre des futures élections municipales de mars 2020...
(1)- La question du PS ne se posait plus dans la mesure où les 2/3 de son électorat avait voté pour Emmanuel Macron, François Hollande ayant déclaré forfait pour se présenter aux primaires ouvertes socialistes, et Benoît Hamon règlant ses comptes avec Manuel Valls
(2)- Durant les années 1960 et au début de la décennie 1970, le PSU était un petit parti politique (par la taille), un laboratoire d'idées, qui était fondé sur le thème idéologique du socialisme autogestionnaire et de la planification démocratique. La plupart des militants du PSU le quittèrent lorsque Michel Rocard décida de rejoindre le PS (dirigé par François Mitterrand) lors des Assises du socialisme, débats qui eurent lieu à Paris fin octobre 1974
(3)- 19,5% des suffrages exprimés aux présidentielles en avril 2017 pour Jean-Luc Mélenchon... Même si les élections européennes sont différentes des présidentielles, je rappelle que l'outil personnel de Mélenchon, La France Insoumise, obtint à peine 6,5% des suffrfrages, ce qui entraîna, et entraîne encore, des contestations internes sur la ligne politique du "chef" au sein de la nébuleuse
(4)- Le "populisme" se définit principalement par les caractéristiques suivantes : une volonté de "dégagisme" (le "Qu'ils s'en aillent tous" de Jean-Luc Mélenchon, rejoignant le "Tous pourris" du FN de Jean-Marie Le Pen, et repris par le RN de Marine Le Pen), donc l'antiparlementarisme, le "culte du chef" (masqué sous couvert de "démocratie directe"), la xénophobie, les racismes, l'antisémitisme (pour l'extrême droite), un souverainisme tendant à devenir de plus en plus nationaliste (pour le mélenchonisme), une démagogie systématique, une colère protestataire, etc.
(5)- Les négociations ont abouti à la nomination (une validation aura lieu par un vote du Parlement européen) des cinq personnalités qui occuperont les "postes clés" à la tête de l'UE : le Démocrate de Gauche italien David Sassoli comme Président du Parlement européen, le socialiste espagnol Joseph Borell en tant que Haut représentant aux affaires étrangères, le centriste belge francophone Charles Michel à la Présidence du Conseil, la française Christine Lagarde, issue du centre-droit, à la tête de la Banque centrale Européenne, et la démocrate-chrétienne allemande Ursula von der Leyen comme Présidente de la Commission de Bruxelles
Jean-Luc Lamouché
5 juillet 2019