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Classique


LA SYMPHONIE A L'EPOQUE "CLASSIQUE"

 

 

Catégorie : Musique classique

 

 

 

 

 

 

 

Vue sur un orchestre symphonique

 

 

   Ce ne furent ni Haydn, ni Mozart, qui inventèrent la symphonie, même s'ils représentèrent l'apogée de celle de l'époque que l'on appelle "classique", et qui sera ici le principal sujet de mon article... Voilà ce qu'il faut commencer à dire, avec ce que fut d'abord le courant du "Sturm und Drang", puis différentes écoles, comme celle de Mannheim, l'école pré-classique de Vienne, ou encore l'école de Berlin, etc. Il convient donc de remonter dans les années 1750-1780 pour comprendre ce qui se passa et qui avait aboutit à Haydn, Mozart, puis au premier Beethoven. Mais, avant cela, et en guise d'introduction, il est nécessaire de signaler que le terme de "sinfonia" - qui ne correspondait absolument pas à ce que devint plus tard la "symphonie" - était apparu en réalité assez tôt, et ceci dès l'époque du "baroque" assez précoce ; en effet, cette expression, ou cette forme musicale, servait à intégrer des passages purement instrumentaux à l'intérieur des opéras, soit en tant qu'ouvertures, soit comme simples intermèdes orchestraux. Mais, entrons directement dans le sujet de la symphonie de la future époque classique avec le courant global du "Sturm und Drang"... 

 

   Le courant du "Sturm und Drang" (ou "Tempête et passion" en français) fut un mouvement politique et littéraire essentiellement allemand, qui se développa pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il succéda à la période du "Aufklärung" (ou des "Lumières") et en marqua la radicalisation sur le plan dramatique. Il fut donc le premier précurseur du pré- romantisme. En musique, ce terme renvoie à une période de la musique classique où prédominait une écriture dans des tonalités mineures, et de ce fait plus aptes à traduire les sentiments - ce que le romantisme finirait par exacerber de plus en plus, en rapport avec "le sens du tragique". Le "Sturm und Drang" fut un mouvement avant tout viennois, qui se développa à la fin des années 1760 et au début de la décennie 1770 (Mozart étant né en 1756). C'est ce mouvement qui donna naissance à la symphonie. Les principaux musiciens à avoir composé dans ce style furent : Carl Philip Emanuel Bach, Johann Christoph Friedrich Bach, Wilhelm Friedemann Bach, Johann Christian Bach, Johann Martin Krauss (tous allemands et fils de Jean-Sébastien Bach), Johann Baptist Vanhall (tchèque), etc...

 

   Parallèlement à ces viennois, la symphonie prit vraiment son essor dans le cadre de "l'Ecole de Mannheim". Celle-ci était un cercle musical qui se forma à Mannheim (Bade-Wurtemberg, au sud-ouest de l'Allemagne) vers 1750. Son fondateur fut Johann Stamitz (germano-tchèque). La "Mannheimer Hofkapelle" désigna à l'origine une école de violon et de direction d'orchestre, puis, progressivement, également une école de composition. Ce développement fut analogue à celui de "l'Ecole préclassique de Vienne" (Wagenseil et Monn : deux musiciens autrichiens), qui la précéda de plus de dix ans, et de celui presque simultané de "l'Ecole de Berlin" (Quantz et les frères Graun, musiciens allemands, et les frères Benda, compositeurs tchèques). Le travail de "l'École de Mannheim" fut déterminant dans l'évolution musicale qui allait conduire du baroque tardif au classicisme viennois et, plus tard, au romantisme. Elle développa donc réellement un style nouveau. Ses membres les plus notables furent Johann Stamitz (1717-1757) - déjà cité -, Franz Xaver Richter (1709-1789), Christian Cannabich (1731-1798), Carl Joseph Toeschi (1731-1788), Ignaz Holzbauer (1711-1783), Anton fils Stamitz (1733-1760), et plus tard Carl Stamitz (1745-1801)... Après avoir mis au point la forme sonate (dans sa conception classique), ces compositeurs devinrent les vrais créateurs de la symphonie - débouchant vers le pré-romantisme. On peut dire que Haydn et Mozart, tous les deux compositeurs de l'apogée de l'époque "classique", et qui donnèrent tout l'essor que l'on connaît à la symphonie, sortirent de ce creuset, de même que - plus tard - le pré-romantisme du premier Beethoven...

 

 

Carl Stamitz : "Symphonie en ré majeur", dite "La Chasse" - Intégrale : cliquer sur le lien ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=fhtIIuzdFVA

 

 

   L'autrichien Joseph Haydn fut donc, avec Mozart, le plus important des compositeurs de l'époque classique située à son apogée. Né en 1732 à Rohrau sur la Leitha (Basse-Autriche) en 1732, et mort à Vienne en 1809, il fut influencé de plus en plus par le courant du "Sturm und Drang". Il composa environ 105 symphonies, qui constituèrent progressivement la transition entre l'apogée du classicisme et l'irruption qui serait celle du pré-romantisme - un courant qui allait déboucher avant tout sur Beethoven et sa révolution musicale à travers le romantisme...

 

 

 

 

 

 

Joseph Haydn (1732-1809)

 

 

Joseph Haydn : "Symphonie N°101 en ré majeur", dite "L'Horloge" - "Andante" (deuxième mouvement) : cliquer sur le lien ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=KzvUTY8iaXc

 

 

   L'autre grand compositeur de l'époque classique à son apogée - autrichien, comme Haydn -, fut, comme nous le savons (et à quel point !), Wolfgang Amadeus Mozart, né à Salzbourg en 1756, et mort à Vienne en 1791 - donc mort à l'âge de 35 ans... Il composa au total 41 symphonies, dont une bonne dizaine sont considérées comme de véritables chefs-d'oeuvre (à partir de la la 25ème, sauf quelques exceptions - dont le niveau est perçu le plus souvent comme juste un peu en-dessous de celui des autres). Alors qu'il tutoya parfois le pré-romantisme, dans son opéra "Don Giovanni" (pour son "Ouverture", et en ce qui concerne la scène finale, avec "La Mort de Don Giovanni"), et pour des parties de son "Requiem" (sa dernière partition, qui fut achevée par Franz Xaver Süssmayer, chef d'orchestre et compositeur autrichien), ce ne fut pas le cas dans le domaine symphonique. Par contre, Mozart fit souvent ressortir lui aussi dans ses partitions symphoniques des influences très liées au "Sturm und Drang", tout en développant sa grande originalité...

 

 

 

 

 

 

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

 

 

"Symphonie n°40 en sol mineur" - "Molto allegro" (premier mouvement) : cliquer sur le lien ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=NxV9VytEm9c

 

 

   Avec Ludwig van Beethoven (né à Bonn en 1770, et mort à Vienne en 1827), nous en arrivons, pour ses deux premières symphonies, à la fin du symphonisme de l'époque classique, dans le cadre de ce que l'on pourrait appeler le premier Beethoven ; un Beethoven qui sera surnommé plus tard le "Maître de Bonn"... Nul n'ignore qu'il composa neuf symphonies, dont la dernière avec choeurs (dans le cadre du mouvement final). Mais, en fait, il avait commencé une dixième symphonie, que certains musicologues tentèrent de terminer, sans que cela soit - à mon avis - très convainquant. Ces neuf symphonies furent composées et créées entre 1799 et 1824. Mais, ce qui nous intéresse ici, ce sont ses deux premières symphonies, au sein desquelles on ressent parfois assez nettement des influences provenant de Haydn et de Mozart, un phénomène qui fut - et reste toujours - très important dans l'histoire des arts, car c'est en s'appuyant sur les traditions ou héritages que l'on peut mieux arriver à les transcender, à les remettre en cause. De ce point de vue, Beethoven apparaît comme une sorte d'archétype...

 

 

 

 

 

 

Beethoven jeune (1770-1827)

 

 

"Symphonie n°1" - "Andante cantabile con moto" (deuxième mouvement) : cliquer sur le lien ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=UMDhbdGDBTo

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

23 mai 2019

 


24/05/2019
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RICHARD STRAUSS, UN GRAND COMPOSITEUR

 

 

 

Catégorie : Musique classique

 

 

 

 

 

 

  

   C'est durant l'annéee 2014 que fut fêté le 150ème anniversaire de la naissance du compositeur allemand de l'époque postromantique Richard Strauss, après avoir - dans le même ordre d’idée - commémoré notamment le bicentenaire de celles de Richard Wagner et de Giuseppe Verdi en 2013. Né à Munich en 1864, celui qui fut un des plus grands chefs d’orchestre et créateurs de tous les temps mourut à Garmisch-Partenkirchen (en Bavière, près de la frontière autrichienne) en septembre 1949. "Strauss", un patronyme très répandu dans le monde germanique (pensons à la tradition autrichienne liée à Johann Strauss père et fils), et qui signifie tout simplement "bouquet" - ce qui fait effectivement très fête viennoise… ! Sans oublier l’influence d’Hector Berlioz (avec son célèbre "Traité d’orchestration"), Richard Strauss fut incontestablement, sur le plan musical, le continuateur de l'oeuvre de Richard Wagner et de toute la dynamique symphonique allant de Ludwig van Beethoven jusqu’à Gustav Mahler. Et pourtant ! En effet, son père était un anti-wagnérien et un pro-brahmsien notoire, qui avait pris le parti du fameux critique viennois Édouard Hanslick, contempteur de la "musique de l’avenir" (ou "à programme") de Wagner et de Liszt au profit de la "musique pure" de Brahms, Schumann, et Mendelssohn. Ce ne fut donc qu’à partir du début des années 1880 que Richard Strauss, devenu chef d’orchestre, prit ses premiers contacts avec des cercles favorables à la musique de Liszt et de Wagner. D’où ses deux premiers opéras : "Guntram" (1892) et "Feuersnot" (1901) - marqués du sceau wagnérien.

 

   Mais, il ne fut certes pas qu’un simple continuateur, puisqu’il arriva à s’émanciper assez largement de l’ombre portée du "mage de Bayreuth", ceci - sur le plan de l’expression lyrique - dès la composition de son troisième opéra, "Salome "(1905). Dans la foulée, citons ses principales compositions opératiques, qui ont constitué une des bases essentielles de son œuvre : il y eut "Elektra" (1909) - dont il déclara que c’était "le maximum de ce que les oreilles des auditeurs peuvent /supporter d'/entendre aujourd’hui !" –, "Der Rosenkavalier" (ou "Le Chevalier à la rose") (1911), "Ariadne auf Naxos" (ou "Ariane à Naxos") (1912), "Die Frau ohne schatten" (ou "La Femme sans ombre") (1919), "Intermezzo" (1924), "Arabella" (1933), "Capriccio" (1942), etc. Je précise qu'une des raisons les plus incontestables du goût de Richard Strauss envers la composition d’opéras est liée à son mariage (et son amour) avec la soprano allemande Pauline de Ahna (une union matrimoniale qui eut lieu en 1894) ; c’est d’ailleurs pour elle qu’il écrivit - par exemple - le rôle de Freihild dans son premier opéra "Guntram", déjà cité. J’ajoute que le compositeur eut la chance de pouvoir travailler avec un librettiste de génie pour nombre de ses opéras : Hugo von Hofmannsthal, un écrivain et dramaturge d’exception.

 

 

Scène finale de "Salomé" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=Op1VoQXXARs

 

 

   En dehors de ses partitions opératiques, Richard Strauss se rendit aussi très célèbre par ses poèmes symphoniques. Parmi ceux-ci, il convient de citer avant tout : "Don Juan" (1889), "Mort et Transfiguration" (1891), "Till l’Espiègle" (1895), bien évidemment "Ainsi parlait Zarathoustra" (dont l’introduction fut rendue célèbre par le film "2001, L’Odyssée de l’espace", de Stanley Kubrick) (1896), "Don Quichotte" (1897), "Une vie de héros" (1899), etc. Mais, il obtint également de grands succès grâce à d’autres œuvres de type symphonique, telle que "La Symphonie alpestre" (1915) (dont la taille est assez démesurée), "Métamorphoses pour 23 cordes" (1945), etc. Certains ont reproché au compositeur sa musique "à programme" trop prononcé, et il est vrai qu’il se mit par exemple parfois musicalement en scène (pour "Une vie de héros"). Cependant, disons que toutes ses partitions symphoniques (sous la forme de poèmes musicaux ou autres) peuvent être entièrement appréciées avant toute chose pour leur seule beauté sonore - ce qui est, me semble-t-il, l’essentiel.

 

Poème symphonique : "Don Juan" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=xYsoryu-toY

 

 

   Pensons aussi à ses lieder, soit ces partitions pour voix soliste et orchestre ou piano (plus de 200 au total…), composés généralement par Strauss pour une tessiture vocale de soprano. Il y avait ceux avec orchestre (environ une trentaine), pour la plupart magiques, et tout particulièrement les célèbres (et superbes !) "Vier letzte lieder" (ou "Quatre derniers lieder"), pour soprano et orchestre, écrits en 1948, juste un an avant la mort du compositeur, et qui - en tant que "chants du cygne" du romantisme musical - apparaissent comme un adieu serein à la vie. J'ai en tête avant tout notamment le dernier de ces lieder : "Im Abendrot" (ou "Au Crépuscule", ou encore "Au Soleil couchant"). A côté de ce que je viens d’ajouter, il faut insister sur le fait que Richard Strauss toucha aussi à tous les autres genres - ce qui est beaucoup moins connu ; ainsi, à des compositions concertantes, comme ses concertos pour hautbois et orchestre, ou ceux pour cor et orchestre, ou encore pour violon, etc. Il s’intéressa même - il est vrai dans une moindre mesure - à la musique de chambre et pour piano ; sans oublier celle pour ballet...

 

Extrait des "Vier Letzte lieder" : "Im Abendrot" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=JwZOXC6_4fE

 

 

   Je finis cet article par la question très délicate concernant le positionnement de ce génie de l’histoire de la musique face au régime nazi ? Très touché par la mort de son grand collaborateur Hugo von Hofmannsthal (en 1929), ainsi que par les événements politiques qui se produisirent dans son pays, Richard Strauss connut ce qu’il faut bien appeler (et pendant un certain temps) une sorte d’inspiration moindre, et, lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir (à partir de janvier 1933), il accepta de devenir Président de la Chambre de Musique du Reich ("Reichsmusikkammer"). Plus tard, il dira que son acceptation avait été due à une volonté de tenter de contrôler les choses que les hitlériens pouvaient faire dans le domaine de la politique artistique (?) Indiscutablement, il réussit à imposer pendant quelques années sa collaboration avec le grand écrivain autrichien d’origine juive Stefan Zweig, et fut même démis de ses fonctions de Président de la Chambre de Musique du Reich en 1935, ceci après qu’une de ses lettres envoyées à Zweig soit saisie par la Gestapo ! Dans cette lettre, Richard Strauss écrivait notamment (à propos de la judéité de Zweig) : "Mozart composait-il en aryen ?". Ajoutons que, du côté de sa belle-fille, prénommée Alice, sa famille était juive ; il voulut donc plus que probablement protéger ses proches. Le compositeur allemand se compromit pourtant par des photos bien embarrassantes le montrant en train de saluer chaleureusement de grands dignitaires nazis : ainsi Joseph Goebbels, le chef de la propagande du Troisième Reich ! Il faut aussi signaler que c’est lui qui composa, par exemple, "L’Hymne Olympique" glorifiant le régime nazi (en grande pompe) pour les JO de 1936… Faut-il le juger à l’aune d’un Herbert von Karajan, ou d’un Carl Orff, membres du parti nazi ?! Sans doute pas. Alors, à celle d’un Wilhelm Furtwängler ? En tout état de cause, après 1945, il fut très affecté par son procès en dénazification, car, dans tout ce qui concerne les rapports éventuels entre sa musique et le nazisme, il faut reconnaître qu’on ne trouve rien qui puisse faire penser à l’idéologie nationale-socialiste ou à de l’antisémitisme…

 

 

 

 

Eléments de base bibliographiques :

 

 

"Richard Strauss" - Michael Kennedy, Odile Demange (traduction), Fayard, 2001, 460 pages

"L’opéra selon Richard Strauss, Un théâtre et son temps" - Bernard Banoun, Fayard, 2000, 577 pages

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

 

1er février 2019

 

 


02/02/2019
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JONAS KAUFMANN LE GRAND TÉNOR

 

 

Catégorie : Classique 

 

 

 

 

 

 

 

Jonas Kaufmann roi des ténors d'aujourd'hui

 

 

 

   Jonas Kaufmann, grand ténor allemand, né le 10 juillet 1969 à Munich (il aura donc 50 ans en juillet 2019), a déjà une assez longue carrière derrière lui. Il y a en effet un bon nombre d'années qu'il s'est imposé comme un des plus grands "divi" de la galaxie lyrique, et avant tout dans le domaine de l'opéra. Il avait été nommé "Artiste lyrique de l'année" par les lectrices et les lecteurs de la revue de musique classique Diapason en décembre 2010, puis s'affirma de plus en plus sur les grandes scènes des maisons d'opéra. Ce qui fait d'abord l'importance de Jonas Kaufmann réside dans ce qu'il aborde des répertoires très variés, toujours dans le cadre de la période romantique (et seulement pour la seconde moitié du XIXe siècle). En premier lieu, l'opéra germanique, qui est son répertoire naturel, du "Fidelio" de Beethoven (le seul opéra composé par "Le Maître de Bonn"), en passant par le rôle de ténor dans "Der Freischütz" ou "Obéron" de Weber, jusqu'à la plus grande partie des drames de Wagner : dans "Lohengrin", "Parsifal", mais aussi avec les personnages de Walther von Stolzing dans "Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg", et Siegmund pour "La Walkyrie" ; tout ceci sans oublier certains opéras de R. Strauss.

 

Richard Wagner : extrait de "Die Walküre" ou "La Walkyrie" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=Ukufk2YUVKY

 

 

   En second lieu, Jonas Kaufmann interprète aussi les grands rôles pour ténor des opéras italiens : essentiellement ceux de Verdi et de Puccini, mais sans oublier les principales oeuves de Mascagni ("Cavalleria rusticana") ou de Leoncavallo ("I Pagliacci"). En troisième lieu, il aborde les personnages de certains opéras français, avec avant tout ceux de la "Carmen" de Bizet, du "Faust" de Gounod, du "Werther" de Massenet, de "La Damnation de Faust" de Berlioz, etc. A côté de l'opéra, et donc en quatrième lieu, il ne faudrait pas oublier les incursions de Jonas Kaufmann dans l'univers du lied germanique, chez Schubert (avec par exemple "Le Voyage d'hiver"), Schumann, ou R. Strauss, etc. J'ajoute que sa maîtrise de l'italien et de sa prononciation du français sont très convaincantes et donnent ainsi davantage encore de crédibilité à ses incarnations vocales et dramatiques dans le domaine de l'opéra. D'ailleurs, Kaufmann parle tout à fait couramment les langues utilisées à l'époque romantique dans le domaine de l'opéra, en dehors de l'allemand (sa langue maternelle) : à savoir l'italien et le français...

 

 

Giuseppe Verdi : extrait de "Il Trovatore" ou "Le Trouvère" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=YBd87H8TGTk

 

 

Giacomo Puccini : extrait de "Tosca" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=N8lD9ZmYHhE

 

 

Jules Massenet : extrait de "Werther" : cliquer ci-dessous

https://www.youtube.com/watch?v=PzKhikZ4oVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Disque de Jonas Kaufmann grand prix lyrique 2013

 

 

   Sa présence scénique, l'expression de son jeu dramatique, et son physique qui demeure aujourd'hui encore quasiment de "jeune premier", font de Jonas Kaufmann "le chéri de ces dames"... ! Et, dans ce monde de l'image au sein duquel nous vivons, cette forte personnalité agréable à regarder est pour lui un atout supplémentaire important… Toutefois, l'essentiel réside évidemment dans ses moyens vocaux, qui sont exceptionnels ! Plus qu'un ténor, Jonas Kaufmann est en réalité un baryténor, un peu comme le fut avant lui par exemple le chilien Ramon Vinay (1911-1996), ou encore Placido Domingo (Mais, pour ce dernier, seulement en fin de carrière). Baryténor, parce que sa tessiture (le registre vocal qu'il possède, en allant des notes les plus graves jusqu'aux plus aigues, et en passant par le médium) est très étendue ; en tout cas nettement plus large que celle d'un simple ténor. Au début de sa carrière, Kaufmann avait su économiser et faire mûrir sa voix, sans trop tomber dans les sollicitations souvent extravagantes et dangereuses du show business lyrique international à l'égard des grandes voix. Il céda pourtant de plus en plus à la tentation (financière et pour la gloire ?) face aux demandes démultipliées des maisons d'opéra à son égard. Et ce fut, il y a quelques années, l'accident vocal, dans le courant de  2016, lorsqu'il annonça qu'il lui fallait reposer sa voix pendant un temps non précisé... Il ne s'est remis de ce choc qu'il y a relativement peu de temps, et a donc pu déclarer, lors d'interviews, qu'il attendrait encore un certain nombre d'années avant, par exemple, de chanter et d'incarner les rôles wagnériens les plus difficiles, ceux que l'on appelle de "heldentenor" (ou de "ténors héroïques", en traduction française) : Tannhaüser (dans "Tannhäuser"), et Tristan (dans "Tristan et Isolde" - dont il interpréta l'Acte 2 aux Etats-Unis il y a peu, mais en version concert seulement, soit sans mise en scène). Pour le rôle de Siegfried (dans l'opéra éponyme de Wagner), incarnation connue comme étant la plus lourde (en durée), il a annoncé qu'il n'irait pas jusqu'à ce rôle, ce qui est bien dommage...

 

   Je pense que Jonas Kaufmann, à la suite de son accident vocal, craint le rôle de Siegfried (en fonction de ce qui lui est arrivé), et pourtant, à Bayreuth, les voix des chanteurs sont protégées par la conque plongeante (la célèbre "fosse mystique") qui atténue notamment le surgissement des cuivres et leur donne un son relativement discret et surtout soyeux. Kaufmann nous a annoncé un "Tannhaüser", mais il n'ira pas au-delà... Nous devrons donc nous "contenter" de l'écouter avant tout dans les rôles de Florestan (de "Fidelio"), Don José (de "Carmen"), Werther (de "Werther"), ou encore Lohengrin (de "Lohengrin"), et peut-être à nouveau Siegmund (de "La Walkyrie"). Il faudra que Jonas Kaufmann gère mieux les dix bonnes années de carrière - voire davantage - qui lui restent. Et puis, n'oublions-pas que nous avons la chance de disposer d'un autre grand ténor allemand, à la voix plus lyrique, légère, que celle de Kaufmann : Klaus Florian Vogt ; un ténor qui a quasiment le même âge que Kaufmann, mais qui, grâce à son épouse (une soprano), a mieux su gérer sa carrière, surtout par rapport au risque d'accident vocal. Vogt a annoncé récemment qu'il terminerait sa carrière sur scène avec l'incarnation de Tristan (dans "Tristan et Isolde"), lui qui est le plus grand Lohengrin actuel - car il a exactement la voix lyrico-dramatique de ce rôle du "Chevalier au Cygne"... Pour ne pas passer sous silence les autres grands ténors qui s'expriment vocalement et dramatiquement sur les scènes lyriques internationales actuelles, je citerais avant tout Rolando Villazon, Vittorio Grigolo, Roberto Alagna, Marcelo Alvarez, Ramon Vargas, Juan Diego Florez, Bryan Hymel, etc...

 

 

 

Eléments de base discographiques :

 

 

Récitals d'opéras en CD :

 

"Jonas Kaufmann : Romantic Arias" - 2008 - Decca

"Jonas Kaufmann : Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner" - 2009 - Decca

"Jonas Kaufmann : Verismo Arias" - 2010 - Decca

"Jonas Kaufmann : Kaufmann Wagner" - 2013 - Decca

"Jonas Kaufmann : The Verdi Album" - 2013 - Sony Classical

"Jonas Kaufmann : Nesssun dorma - The Puccini Album" - 2015 - Sony Classical

"Jonas Kaufmann : L'opéra" - 2017 - Sony Classical

Un récital d'airs d'opéras français

 

 

Vous trouverez ces CD sur les sites d'écoute en streaming Spotify (de préférence) et Deezer, et vous en aurez aussi des extraits sur You Tube

 

Il faudrait ajouter à ces albums des coffrets d'opéras en CD et des DVD d'opéras. Pour ceux qui aiment les lieder, on trouvera également plusieurs CD de Schubert et de R. Strauss interprétés par Jonas Kaufmann

 

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

 

17 décembre 2018

 


17/12/2018
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Y EUT-IL UNE IDÉOLOGIE WAGNÉRIENNE ?

 

 

Catégorie : Classique

 

 

 

 

 

 

Richard Wagner à l'âge de la maturité

 

 

 

   Un premier point peu connu réside d'abord dans le fait que le jeune Wagner, jusque vers 1849-1850, était influencé par une pensée socialiste libertaire. Ainsi, comment ne pas signaler qu'il participa au mouvement révolutionnaire allemand, à Dresde, en 1848, lors du "Printemps des Peuples", et ceci jusqu'à son écrasement (en 1849) par les troupes saxonnes et prussiennes ? A cette époque, il était d'ailleurs l'ami de l'anarchiste russe Bakounine... Faut-il voir là uniquement, pour Richard, une façon de réagir au fait que son génie n'était pas encore, à cette époque, vraiment couronné de succès (malgré les compositions de ses premières grandes œuvres lyriques : "Le Vaisseau Fantôme", "Tannhaüser", et "Lohengrin"), après la réussite de "Rienzi" ? En tout cas, il dut s'exiler, d'abord à Paris, puis à Zurich, étant recherché comme "révolutionnaire" par les autorités des Etats allemands !

 

   Plus connus sont les positionnements du Wagner de la maturité, puis de la vieillesse, que ce soit l'antisémitisme ou le monarchisme nationaliste. Même si l'antisémitisme était un phénomène extrêmement répandu à cette époque (pas seulement en Allemagne), ce qui n'excuse en rien les écrits de Wagner, comment oublier son essai : "Le judaïsme dans la musique" ?! Comment ignorer, dans ce cadre, ses attaques contre Mendelssohn et Meyerbeer ?! Mais, comme Wagner est souvent insaisissable, il faut aussi dire que des musiciens juifs vivant à son époque, tels que Hermann Levi (chef d'orchestre), Joseph Rubinstein (pianiste), ou Arnold Schoenberg (compositeur admirateur de Wagner et principal fondateur de la musique atonale), ont toujours soutenu "Le Mage de Bayreuth"... Quant au monarchisme nationaliste du compositeur vieillissant, il se rattache davantage aux racines du pangermanisme qu'à son amitié avec Louis II de Bavière, ce dernier lui ayant surtout permis de pouvoir subvenir à ses besoins dispendieux et de faire construire son grand théâtre (comme une sorte de "temple") pour représenter ses opéras dans le cadre d'un festival à Bayreuth.

 

   Sur le plan "politique", celui qui se voulait "le nouvel Eschyle" (Bayreuth était l'équivalent, pour lui, du théâtre d' Epidaure) considérait son œuvre - en ce lieu - comme un ensemble de cérémonies civiques de type athénien antique, à contenu philosophique, puis quasiment religieux. D'où - sans doute - son amitié/haine avec Nietzsche, qui rejeta "Parsifal", le grand philosophe reprochant au compositeur de s'être, avec cet opéra, "agenouillé devant le crucifix", et d'avoir rompu avec leurs "fêtes dionysiaques". L'amitié admirative pour Wagner (avec "La naissance de la tragédie") se transforma alors en rejet, voire en haine (dans "Le cas Wagner") ; admiration (réciproque), puis véritable rejet... C'est essentiellement au sein de la "Tétralogie" que l'on pourrait trouver (mais pas forcément sur le plan politique) la vision d'une hiérarchie raciale (ou sociale ?), avec les Dieux, les Héros, les hommes, et les gnomes ou sortes de nains (les Nibelungen). Il ne faut pas être un grand analyste pour voir ce que les nazis purent instrumentaliser dans le contenu de ces mythes germaniques ; j'y reviendrai. Au niveau religieux, c'est bien avec "Parsifal" que Wagner voulut couronner son œuvre. L'évolution du "Maître" fut la suivante depuis les années 1840 : l'Histoire (avec "Rienzi"), les Légendes (avec "Le Vaisseau fantôme", "Lohengrin", "Tannhäuser", "Tristan et Isolde"), les Mythes (avec la "Tétralogie"), puis la Religion (avec "Parsifal"). Wagner considérait "Parsifal" (son testament musical) en tant que "Festival d'art scénique sacré". D'ailleurs, certains wagnérophiles vivent encore cette œuvre mystique comme "une messe" ! J'ajoute une précision intéressante : avant cette œuvre, Wagner avait envisagé de composer une partition lyrique à caractères bouddhistes, qui se serait appelée "Les Vainqueurs".

 

   Passons au gros morceau du "problème Wagner" : la récupération de certains de ses opéras par le nazisme ? Pour les causes, disons d'abord qu'Hitler était intoxiqué par un wagnérisme caricatural, qui lui permettait surtout d'exalter un "État-spectacle", dans le cadre par exemple de la propagande des "Cathédrales de lumière" (à Nuremberg) et le nationalisme allemand. A ce propos, il faut savoir que Beethoven et Bruckner, de même que Richard Strauss, furent également les victimes de tentatives de récupérations par le régime hitlérien, mais beaucoup moins nettement. En effet, avec Wagner, il y avait quelque chose de plus... C'est que Beethoven (en dehors de son "Fidelio", hymne à la Liberté !) et Bruckner (aucune œuvre lyrique) n'avaient pas composé d'opéras pouvant être récupérés ; il était impossible de voir Richard Strauss comme un antisémite, et ceci dans quelque partition lyrique que ce soit. Ces grands compositeurs germaniques intéressaient donc beaucoup moins la propagande hitlérienne ! J'ai signalé l'interprétation que les nazis pouvaient faire de la hiérarchie "raciale" (?) contenue, selon eux, dans "Tétralogie" ; c'était - d'évidence, pour ses initiateurs -, l'annonce esthétique des thèses nationales-socialistes sur la hiérarchie des races (les Nibelungen ou nains correspondant aux juifs ?). Même un opéra comme "Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg" fut récupéré, essentiellement en raison de la fin de l'Acte III, exaltant l'art allemand… Il faut toutefois fixer des limites à cette récupération des œuvres wagnériennes par les nazis : "Le Vaisseau fantôme", "Tristan et Isolde", "Lohengrin", et surtout "Parsifal", ne les mobilisèrent quasiment pas ; ainsi pour le personnage de Parsifal, "Le Chaste Fol" (en allemand "Der Reine Tor"), très éloigné du goût du régime hitlérien pour le  paganisme.

 

   Par opposition à cette tentative - qui vient d'être la mienne - de démonstration du fait que l'oeuvre de Wagner n'avait rien de pré-hitlérienne, il convient d'enfoncer entièrement le clou en ce qui concerne l'attitude de la famille Wagner pendant le régime nazi. Siegfried (le fils de Richard) étant décédé en 1930, c'est son épouse Winifred (d'origine britannique) qui dirigea le Festival de Bayreuth pour la période allant de cette date jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comme beaucoup d'Allemands (de gré ou de force), certes, elle soutint le nazisme. Mais, était-elle vraiment obligée d'être l'amie personnelle d'Hitler et de mettre Bayreuth au service de la propagande hyper-nationaliste du "Führer" et de la propagande de Goebbels ? On possède d'ailleurs des photographies assez nombreuses montrant la famille Wagner, avec notamment Winifred, Wieland et Wolfgang (les deux fils de Siegfried), paradant avec le Hitler sur la "colline sacrée"…

 

   Pour finir, donnons quelques repères sur la dénazification du wagnérisme à partir de 1945. Il y eut la réouverture du "Nouveau Bayreuth" (ou "Neues Bayreuth") en 1951 ; ce fut l'âge d'or des mises en scène de Wieland Wagner à Bayreuth jusqu'à sa mort en 1966 ; pensons à la mezzo-soprano afro-américaine Grace Bumbry chantant et incarnant le rôle de Vénus dans "Tannhäuser" en 1961-1962 ; il y eut aussi le scandale provoqué par la "Tétralogie" des Français Pierre Boulez et Patrice Chéreau en 1976 (pour le Centenaire de la création du Festival) ; il faut signaler enfin la direction du chef d'orchestre Daniel Barenboim à Bayreuth (juif, de nationalités argentine, israélienne, espagnole, et disposant - de plus - d'un passeport palestinien !). Espérons qu'avec tout cela, une bonne partie du "problème Wagner" s'estompera encore (pour ce qu'il en reste) : Barenboim n'a-t-il pas fini par obtenir, il y a déjà pas mal d'années, de jouer Wagner à Tel Aviv - ceci, au grand dam des intégristes juifs et des nationalistes locaux… ? Mais, à l'intérieur de notre moi profond, nous, les mélomanes non musicologues, et même peut-être certains de ceux-ci, n'y aura-t-il pas toujours quelque part cette conscience d'un "problème Wagner" personnel non résolu ? Allez ! Je me lance… : ne serait-ce pas un peu comme "la recherche du père", à la fois conteur, enjôleur, et manipulateur, aimé et détesté, car inclus et exclu... ?

 

 

 

Eléments de base bibliographiques :

 

 

 

"Guide des opéras de Wagner" - Collectif, Édition Fayard, 1988, 900 pages

"Le judaïsme dans la musique" - Richard Wagner, Hachette Livre BNF, 2013, 36 pages

"La Naissance de la tragédie" - Friedrich Nietzsche, Édition Gallimard, 1989, 374 pages

"Le cas Wagner" - Friedrich Nietzsche, Folio, 1991, 163 pages

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

 

23 novembre 2018

 


23/11/2018
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