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Histoire


TROIS GRANDS SITES DU NÉOLITHIQUE

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

 

   La Préhistoire commença avec le Paléolithique, et, beaucoup plus proche de nous, fut suivie par le Néolithique. Le Paléolithique, âge de la pierre taillée, fut la première époque de la Préhistoire, presque contemporaine du Pléistocène (1), durant laquelle les humains étaient des chasseurs-cueilleurs et pécheurs. Les hommes du Paléolithique étaient la plupart du temps nomades, et se déplaçaient au gré des saisons en fonction des ressources alimentaires disponibles, végétales ou animales. La densité de population était très faible, en particulier pendant les périodes glaciaires. Chronologiquement, le Paléolithique commença en Afrique avec l’apparition des premiers outils lithiques (en pierre), il y a 3,3 millions d'années. Il s'acheva 11.700 ans avec la fin de la dernière période glaciaire, débouchant sur le Mésolithique (2), d'abord au Proche-Orient, puis en Europe et dans le reste du monde. Le Paléolithique couvre donc approximativement 98 % de la durée de la Préhistoire, et se subdivise en quatre sous-périodes, correspondant aux grandes évolutions culturelles et techniques mises en évidence par les différentes fouilles archéologiques : le Paléolithique archaïque, le Paléolithique inférieur, le Paléolithique moyen, et le Paléolithique supérieur. Quant à l'époque du Néolithique, ou âge de la pierre polie, si l'on prend le cas du Proche et du Moyen-Orient ou de l'Europe, elle commença vers 10.000 avant notre ère, et correspondit à un progrès global considérable de l'espèce humaine, telle une véritable révolution globale, avant tout économique - la première que connut véritablement l'humanité -, avec la sédentarisation, l'agriculture, l'élevage, et l'artisanat, et se termina (une convention admise par les préhistoriens et les historiens) avec l'invention de l'écriture en Mésopotamie, dans le cadre des cités sumériennes, vers 3.500 av. J.C...

 

   Les trois grands sites du Néolithique auxquels je vais m'intéresser se situent au Proche et au Moyen-Orient. En partant du plus ancien sur le plan chronologique, il s'agit d'abord de celui De Göbekli Tepe (situé en Turquie actuelle, dans la région de l'Anatolie du sud-est), puis de Catal Hüyük (toujours en Turquie et en Anatolie, mais dans sa partie centrale), et enfin de Jéricho (localisé en Cisjordanie actuelle, sur la rive ouest du Jourdain). La grande caractéristique commune entre ces trois sites archéologiques, c'est qu'ils correspondent aux civilisations et établissements humains les plus anciens de l'humanité, plusieurs millénaires avant l'apparition de la civilisation sumérienne - qui donna naissance aux premières cités-états, à des monuments religieux de taille gigantesque, et à l'invention de l'écriture, au débouché méridional des terres donnant sur le Golfe Persique - et près d'un millénaire avant la construction des grandes pyramides d'Egypte. Avec ces trois sites, et pour ce qui concerne le Proche et le Moyen-Orient, et donc également l'Europe occidentale, nous nous trouvons ainsi aux origines des premières manifestations civilisatrices d'envergure produites par l'espèce humaine. Cela dit, il convient de faire bien attention, car, d'une part, ces trois sites ne correspondent pas à la même période du point de vue chronologique, et, d'autre part, ce qu'ils nous donnent à voir présente des différences fort importantes...

 

 

Avec d'abord le site néolithique de Göbekli Tepe...

 

 

 

 

 

 

Reconstitution du site de Göbekli Tepe

 

 

   

 

 

 

 

Vue partielle du site de Göbekli Tepe

 

 

 

   Je commence donc par Göbekli Tepe, en Anatolie du sud-est - comme je l'ai déjà annoncé. Göbekli Tepe se trouve sur un tell, qui est un monticule (en arabe ou en hébreux) artificiel formé à partir des déchets accumulés par les générations de personnes ayant vécu sur le même site depuis des centaines, ou plus fréquemment des milliers, d'années. Le tell de Göbekli Tepe comprend deux phases d'utilisation, considérées par le découvreur du site et excavateur allemand Klaus Schmidt, de nature sociale ou rituelle, qui remontent au Xe-VIIIe millénaire avant notre ère. Au cours de la première phase, appartenant à la période dite du Néolithique A pré-poterie, des cercles de piliers en pierre en forme de T massifs ont été érigés, et constituent à ce jour les plus anciens mégalithes connus au monde. Les recherches - avec des moyens très modernes - ont permis de connaître et de repérer plus de 200 piliers dans environ une vingtaine de cercles. Chaque pilier a une hauteur maximale de six m et pèse jusqu'à dix tonnes. Ils sont installés dans des prises qui ont été creusées au niveau du substrat rocheux. Dans la deuxième phase, appartenant au groupe du Néolithique pré-poterie B, les piliers érigés sont plus petits et constitués de pièces rectangulaires avec des sols en chaux polie. Le site fut abandonné après le Néolithique pré-poterie B. Les structures plus jeunes datent de l'époque classique. Les détails de la fonction de la structure restent encore un mystère (3). Le site a été en partie fouillé par une équipe d'archéologues allemands placés sous la direction de Klaus Schmidt de 1996 jusqu'à sa mort en 2014. En 2018, il fut classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Il faut ajouter un point important : la stratigraphie (les couches qui s’organisent en strates naturelles qui se superposent les unes au-dessus des autres selon la chronologie des événements qui ont eu lieu) est très imposante à Göbekli Tepe, ce qui atteste de nombreux siècles d’activité ; ils débutèrent au moins dès l’Epipaléolithique, plus couramment appelé le Mésolithique. On pense qu'à cette période finale du Paléolithique, le site de Göbekli Tepe servait de rendez-vous de chasse, et de centre de rencontre sociale, pour ces hommes, dans le cadre d'un ensemble précédant juste le Néolithique...

 

 

Avec ensuite le site néolithique de Catal Hüyük...

 

 

 

 

 

 

Reconstitution du site de Catal Hüyük

 

 

 

 

 

 

 

Une partie du chantier de fouilles de Catal Hüyük

 

 

 

   Je passe au site de Catal Hüyük, en Anatolie plus centrale. Çatal Hüyük est un site archéologique de Turquie qui apparaît lui aussi comme l'un des plus importants de ceux du Néolithique découverts au Proche-Orient. Fondé à la fin du VIIIe millénaire av. J.-C., donc un peu plus près de nous par rapport aux premières phases de Göbekli Tepe, il atteignit son extension maximale entre le milieu du VIIe et le début du VIe millénaire av. J.-C. et couvrit une superficie d'environ 13 ha pour une population évaluée à 7.000 habitants et un millier de maisons. Au total, 12 niveaux d'habitation ont été dégagés (et la plus grande partie du site reste à fouiller). Les maisons sont constituées de briques de terre crue séchée au soleil. Ces briques sont d'une très grande dimension dans les phases les plus anciennes, certaines atteignant 1,5 m de long. Elles diminuent progressivement de taille au cours des siècles. Au début de l'occupation, les maisons sont non seulement accolées les unes aux autres, mais partagent les mêmes murs. Rapidement, bien qu'étant toujours accolées les unes aux autres, chaque maison possédait ses quatre murs. En raison de l'absence de rues, les habitations étaient seulement accessibles par une ouverture pratiquée dans le toit en terrasse et par des échelles en bois aboutissant au coin cuisine. Elles comprenaient généralement une pièce commune carrée de 20 à 25 m2 et des pièces annexes en partie réservées au stockage et à la préparation de la nourriture. Des petites fosses creusées dans le sol servaient de structures de stockage, pour des éléments d'obsidienne ou des boules d'argile, etc. La pièce principale disposait de bancs et de plates-formes pour s'asseoir et dormir, d'un foyer rectangulaire surélevé, et d'un four à pain voûté, situés généralement près du mur sud, c'est-à-dire sous l'ouverture d'accès au toit. L'architecture était renforcée par des piliers de bois intégrés aux murs. Les toits se constituaient d'une armature de chêne et de genévrier recouverte d'argile et de roseaux. Chaque maison était occupée durant environ 80 ans. Ensuite, elle était vidée de son mobilier, les sols nettoyés, et les différentes structures démantelées. Le four était parfois détruit, ou comblé. Puis, l'armature en bois de la maison était retirée, et les murs progressivement démolis, les briques broyées servant à combler l'espace vide. Il y avait alors construction d'une nouvelle maison, souvent sur le même plan que la précédente. Dans certains cas, on a pu observer six phases de reconstruction successives au même endroit. Ce site archéologique de Catal Hüyük représente le premier exemple - avec la première strate archéologique de Jéricho - de ville ou plutôt de proto-cité (4) de l'histoire de l'humanité. Des archéologues pensent que les populations qui y habitaient étaient ceux qui mirent au point les premières cités-états de la civilisation sumérienne ; ce qui fait qu'ils les considèrent comme des "proto-sumériens", descendus vers le sud des millénaires plus tard...

 

 

Avec enfin le site néolithique de Jéricho...

 

 

 

 

 

 

 

Reconstitution de la proto-cité de Jéricho

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue sur les fouilles de la "Tour de Jéricho"

 

 

 

   Pour ce qui concerne le site de Jéricho, la plupart des archéologues s'accordent pour dire qu'il s'agit de la plus vieille cité (bien que ce terme soit parfois discuté) du Proche et du Moyen-Orient, voire au-delà, d'une superficie de deux à trois ha . On a pu mettre au jour les restes de plus de 20 établissements successifs, dont le premier remonte à 9.000 ans av. J.-C. Les archéologues ont découvert les ruines d'une Tour, appelée "Tour de Jéricho" (5), remontant justement à environ 9.000 ans avant Jésus-Christ ; avec en plus un mur du type fortification... La découverte de cette haute tour de pierre située sur le bord de la ville eut lien en 1952, et elle a toujours déconcerté les scientifiques. Ceci à tel point que ces derniers ont pu parler du premier "gratte-ciel" du monde... Les constructions en pierre en disent long sur le système d'organisation des populations de la période, puisqu'on comprend qu'ils réussissaient à ériger des murs très épais et très hauts comme autant de fortifications pour protéger la ville. Et comment ne pas se rappeler que, dans la Bible, qui n'est certes pas une source historique directe, il est écrit que Jéricho fut la première ville de Palestine qui tomba aux mains des Israélites sous les ordres du successeur de Moïse, Josué. La ville aurait été acquise par le peuple conquérant de la célèbre "Terre promise" après la mise en œuvre d'un mystérieux rituel de courses autour de celle-ci et l'épisode connu sous le nom des "trompettes de Jéricho"... Les recherches archéologique à Jéricho ont été menées par Roy Liran, doctorant, et le Dr Ran Barkai, du Département d'Archéologie et des Anciennes Cultures du Moyen Orient de l'Université de Tel Aviv. Les chercheurs ont pu noter qu'on avait là le premier cas où l'homme avait érigé une structure aussi haute, et cela avant même la transition vers la production agricole et alimentaire liée au Néolithique dans la région. Roy Liran et le Dr Barkai pensent que la tour, qui a probablement nécessité une dizaine d'années pour sa construction, doit être considérée comme une indication de luttes pour le pouvoir au début de l'époque du Néolithique. Une personne, ou des personnes, auraient exploité les peurs primitives des habitants de Jéricho afin de les persuader de construire cette tour protectrice (?).  Roy Liran et le Dr Barkai expliquent que "l'ombre de la colline, lorsque le soleil se couche le jour le plus long de l'année, tombe exactement sur la tour de Jéricho, l'enveloppe puis couvre l'ensemble du village" ; "pour cette raison (poursuivent-ils), nous suggérons que la tour était un élément terrestre reliant les habitants du site, avec les collines autour d'eux et avec l'élément céleste du soleil couchant". Sa construction pourrait donc être liée à la peur primitive et à des croyances cosmologiques des habitants (?). Cette première ville du monde était en fait un lieu de chasseurs-cueilleurs pré-agricoles. "C'était une période où s'est mise en place la hiérarchie ainsi que le leadership", a pu déclarer le Dr Barkai au Jerusalem Post, ajoutant : "nous pensons que cette tour a été l'un des mécanismes pour motiver les gens à prendre part à un mode de vie communautaire". Certains chercheurs avaient expliqué que la tour et le mur (murs défensifs imposants, de 3,5 m de large, 5 m de haut, eux-mêmes protégés par un fossé de 2 m de profondeur et 8 m de large) étaient un système de fortification et une défense contre les inondations, alors que d'autres suggérèrent que la tour et le mur étaient un marqueur géographique - celui du territoire des premiers habitants de Jéricho - et un symbole de la richesse et de la puissance de l'ancien village devenant par étapes une cité (?). Le site fut détruit à la fin du bronze moyen (aux alentours de 2.000 av. J.C.), peut-être en raison d'un tremblement de terre, ou à cause d'une forte incursion militaire des Égyptiens...

 

 

 

 

(1)- Le Pléistocène fut la première période géologique du Quaternaire et l'avant-dernière sur l'échelle des temps géologiques. Elle s'étendit environ de 2,58 millions d'années à 11.700 ans avant le temps présent. Le Pléistocène fut marqué par les cycles glaciaires. Sa fin correspondit plus ou moins à celle que, pour ce qui concerne l'évolution de l'humanité, les préhistoriens appellent le Paléolithique

 

(2)- Le Mésolithique fut la période située chronologiquement et culturellement entre le Paléolithique et le Néolithique. Littéralement, il s'agit de  "l'âge moyen de la pierre". Pendant cette période, les groupes humains perpétuèrent un mode de subsistance qui avait été celui du Paléolithique (chasse, pêche, cueillette), mais sous un climat plus tempéré (proche du climat actuel), et en commençant à réduire leurs déplacements saisonniers et à mêler débuts de pratiques agricoles et activités telles qu'elles étaient au Paléolithique (chasse, pêche, cueillette). Le Mésolithique commença au Proche-Orient, puis s'étendit progressivement

 

(3)- Selon Schmidt, Göbekli Tepe serait un sanctuaire de montagne de l'âge de pierre. La datation au radiocarbone, ainsi que l'analyse stylistique comparative, indiquent qu'il s'agirait du temple le plus ancien connu à ce jour. Schmidt a estimé que ce qu'il appela cette "cathédrale sur une colline" était une destination de pèlerinage attirant des fidèles jusqu'à une distance de 150 km. Les os de boucherie trouvés en grand nombre dans le gibier local, tels que les cerfs, les gazelles, les porcs et les oies, ont été identifiés comme des ordures provenant d'aliments cuits ou préparés pour les fidèles. Pour Schmidt, le temple aurait ainsi précédé la ville - par rapport notamment aux futures cités-états sumériennes

 

(4)- Pour les archéologues, dès l'exemple de Catal Hüyük, le concept de proto-cité - à l'instar de celui de proto-état, structure qui n'est pas assez développé pour que l'on puisse vraiment parler d'un Etat - correspond à bien plus qu'un simple regroupement en gros village. Le préfixe proto, du terme grec prôtos, ou premier, désigne - en archéologie - l'étape d'une réalisation ou d'une séquence culturelle plus ou moins proche de l'accomplissement

 

(5)- La célèbre "Tour de Jéricho" a posé des problèmes aux archéologues puisqu'elle fut érigée avant le véritable essor de l'agriculture dans le cadre du "croissant fertile". Il s'agit certes d'un édifice du Néolithique, d'une hauteur de 7,75 m et d'une largeur de 9 m présentant 22 marches, et qui est datée de 8.300 av. J.C. On l'a premièrement identifiée comme une muraille, mais elle ferait en réalité partie d'une digue destinée à contrer les crues de la Wadi. Jusqu'à la découverte du temple de Göbekli Tepe en 1994 et des tours du Tell Qaramel en 1999 - monticule archéologique situé dans le nord de l'actuelle Syrie, à 25 km au nord d'Alep, et qui est le meilleur candidat pour le titre de vestige d'édifice public le plus ancien au monde

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

"Le premier temple : Göbekli Tepe" - Klaus Schmidt, Cnrs, 2015, 420 pages

 

"Catal Hüyük : Une des premières cités du monde" - James Mellaart, Tallandier, 1971, 229 pages

 

"De Babylone à Jéricho" - André Parrot, Imprimerie Nouvelle, 1934, 32 pages

Ce petit ouvrage pose la question des rapports entre certains sites archéologiques et la Bible  

 

 

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

28 août 2019

 

 

 

 


01/09/2019
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LA CHRISTIANISATION DE L'ECOSSE

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

 

Célèbre Croix celtique

 

 

 

 

 

   La christianisation de l’Ecosse à partir des IVe-Ve siècles ap. J.-C. joua un rôle important dans l’histoire de cette nation, et ceci jusqu’aux Guerres de religions du XVIe siècle. Cet article va parler des religions qui étaient présentes en Ecosse et bien sûr de l’arrivée du Christianisme comme religion nouvelle. Celle-ci se fit pendant l'existence de la culture civilisationnelle du peuple des Pictes (une confédération de tribus vivant dans ce qui est devenu l'Écosse du Nord et de l'Est, et présents avant la conquête de l'île de Bretagne - la Grande-Bretagne actuelle - par les Romains, ceci jusqu'au Xe siècle). Commençons donc par les cultes anciens. Avant l’arrivée de la nouvelle foi chrétienne, les premiers habitants de l’Ecosse croyaient en un panthéon composé de plusieurs divinités (polythéisme) : probablement les mêmes que sur le continent européen. On retrouve d'ailleurs même des traces de croyances antérieures au culte des dieux celtiques. Ces populations pratiquaient par exemple un culte lié à l’eau, un phénomène qui était fréquent dans toutes les religions primitives. Ce culte s’articulait autour des rivières, fontaines, puits et lacs. Une autre coutume est attestée : celle des têtes coupées. Les Pictes pratiquaient des sacrifices d'animaux, mais aussi en effet  des sacrifices humains. Les Pictes croyaient en l'Au-delà. Dans leur culture funéraire, on à la pratique de la crémation, puis l’apparition de tombes individuelles, donc l'inhumation. Un culte lié aux arbres (les Arbres sacrés) est aussi attesté. La religion de ces peuples s'articulait évidemment autour de la magie et du chamanisme. Précisons que les druides étaient très présents dans la société, y jouant un rôle important : celui de pilier social central, en tant que détenteurs du savoir...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Image symboliste d'un druide à l'époque celtique

 

 

 

 

   En ce qui concerne la présence des premiers chrétiens en Ecosse (sans omettre l'Irlande), elle est attestée dès le Ve siècle ap. J.C. Il faut dire que la diffusion de cette nouvelle religion, dont le culte avait été rendu officiel dans l'empire depuis Constantin le Grand, était due à l’activité intense du commerce entre l’île de Bretagne (que les Romains appelaient "Britannia") - qui avait été en partie conquise par Rome depuis Jules César et surtout l'empereur Claude - et le continent. La présence de soldats chrétiens dans l’armée romaine est attestée et a sans doute pu faire avancer la progression du christianisme. Les premiers évangélisateurs commencèrent par convertir les élites (politiciens, rois, et marchands, etc.). Les missionnaires rencontrèrent des difficultés pour la conversion du peuple, qui était très ancré dans ses anciennes croyances. Le christianisme étant axé sur le patriarcat, ces populations n’arrivaient pas à comprendre cette société romaine qui, elle, était fondée sur la succession par les femmes (matrilinéaire, donc avec un système de filiation dans lequel chacun relevait du lignage de sa mère.). Avec les premiers chrétiens, de nombreux monuments religieux (abbayes, églises, fondations chrétiennes diverses) apparurent dans le cadre des royaumes pictes. Les plus anciennes traces archéologiques de ce phénomène historique fondamental datent des Ve-VIIe siècles (certaines sources évoquant l'année 450 ap. J. C. pour les débuts). Les premiers écrits attestant la présence de la foi chrétienne datent précisément de 565 ap. J.-C...

 

   Des missionnaires intervinrent pour l'évangélisation chrétienne. Deux religieux jouèrent ainsi un rôle important dans la christianisation de l’Ecosse. D'abord, il y eut Saint Ninien, un missionnaire d’origine bretonne. Il étudia à Rome et séjourna dans la capitale de l'Empire autour des années 300. Il fut le fondateur du "Candida Brava" (un grand centre religieux). Saint Ninien semble être arrivé à Withern (dans le Lincolnshire, en Angleterre) aux alentours des années 500. Ensuite, ce fut le célèbre Saint Colomba, qui était d'origine irlandaise, et fonda le monastère d’Iona, qui réussit à supplanter les autres monastères. Les moines tenaient une chronique qui deviendra le Livre de Kells (1). Saint Colomba était né dans le comté de Donegal (en Irlande), précisément le jeudi 7 décembre 521. Sa mère était une princesse de la maison royale de Leinster (2). Saint Colomba appartenait aux clans des Ui Neill (du nord de l’Irlande). Ses parents l’envoyèrent en forestage (il fut ainsi élevé dans une autre famille que la sienne) et le destinèrent à une vocation religieuse. L'ecclésiastique qui l’éduqua s’appelait Gruithnan. Saint Colomba poursuivit sa vocation auprès de Saint Finnirian de Morville, puis continua son instruction auprès de Clonmarc.  On le considéra bientôt comme étant le père du monachisme (réseau des monastères) chrétien celtique. Son ordination eut lieu à Glasvenein, dans le sanctuaire de Saint Mobbi. Il fonda le monastère de Durrow, situé dans le comté d’Offaly, puis partit évangéliser l’Ecosse...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Statue représentant Saint Ninien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Image représentant Saint Colomba

 

 

 

   Columba arriva sur l’île d’Iona, en 563. Il organisa alors la fondation d'un monastère et le dirigea jusqu’à sa mort en 597. Il devint progressivement le plus important chef religieux du royaume du Dal Riatà. Son chemin de croix fut la fait d'avoir à faire l’évangélisation des Pictes. Il rencontra leur souverain en 565 ou 575. Il entreprit alors sa tâche avec son réseau d’abbayes. La liturgie était tournée vers le courant celtique. Il y avait, sur ce plan, pour faire en sorte que l'adaptation puisse se faire plus facilement, plusieurs points de différences avec Rome (date de Pâques, tonsure des moines, doctrines, mariages des prêtres, etc.). Des faits qui provoquèrent un conflit théologique... Celui-ci fut réglé à Withby en 664, après la mort de Saint Colomba, sous l’égide et la demande du roi Oswy. Mais, on assista ensuite au retour des différences théologiques après la victoire de Bridei à la bataille de Nechtansmére en 685. Le monachisme local fut pourtant supplanté définitivement par Rome en 710. Le clergé, en particulier celui d’Iona, fut amené à se soumettre à la papauté romaine en 716. Un nouveau centre religieux avait vu le jour aux alentours de l’an 700 à Dunkeld. Il eut bientôt la prééminence sur les établissements des Pictes et des Scots. En ce qui concerne Iona, il devint le lieu d’inhumation des rois d'Ecosse à partir de Donald III (1033-1099). J'ajoute qu'en 750, à Rosemarkie (3), un monastère vit le jour, et devint l'un des plus importants centres religieux du pays après celui d'Iona...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ensemble du monastère d'Iona

 

 

 

 

(1)- Le "Livre de Kells", connu aussi sous le nom de "Grand Évangéliaire de saint Colomba", est un manuscrit illustré de motifs ornementaux et réalisé par des moines de culture celtique aux alentours de l'année 800. Considéré comme un chef-d'œuvre du christianisme irlandais et de l'art irlando-saxon, il constitue, malgré son inachèvement, l'un des plus somptueux manuscrits enluminés ayant pu survivre à l'époque du Moyen Âge

 

(2)- Le Leinster était l'une des quatre provinces traditionnelles de l'Irlande. Recouvrant la partie orientale de l'île, son territoire avait pour principal pôle urbain la métropole irlandaise de Dublin

 

(3)- Rosemarkie est situé sur la côte sud-ouest de la péninsule de Back Isle, au nord de l'Écosse. La localisation de la ville actuelle se trouve à 0,4 km de celle de Fortrose, ce qui nous place à 19 km au nord-est d'Inverness

 

 

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

 

 

"Histoire de l’Ecosse : Des origines à 2013" - Michel Duchein, Tallandier, réédition 2013, 797 pages

 

"Les Pictes : A l’origine de l’Ecosse" - Fréderic Kurzawa, Edition Yoran, 2018, 511 pages

 

 

 

 

Romain Nicolas

 

28 juillet 2019

 


28/07/2019
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PEUPLES DES MÉGALITHES DE MALTE

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

 

Carte sur la situation géographique de Malte

 

 

 

 

   Quand on pense aux mégalithes, ces pierres levées en Europe, en Méditerranée, ou sur d'autres parties de notre planète, des noms viennent à l'esprit : Stonehenge, Carnac, les nuraghe de Sardaigne, et bien d'autres encore... Mais, peu de gens savent ce que furent les peuples des temples des mégalithes de Malte. Datant de la période de la période préhistorique du Néolithique (la pierre polie, plus élaborée que sa concurrente antérieure du Paléolithique, de la pierre taillée), ce sont des temples présents dans l'archipel maltais, sur les îles de Malte, et dans la petite île de Gozo. Cet archipel insulaire maltais concentre un nombre important de temples. Certains d'entre eux sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. La terminologie, et surtout le classement chronologique des données, ont posé des difficultés aux archéologues. Mais, grâce à la datation au carbone 14, une échelle chronologique des temps préhistoriques maltais est depuis assez longtemps communément acceptée par les milieux scientifiques : phase Ghar Dalam (5.200 à 4.500 av. J.-C.), phases Skorba (4.500 à 4.100 av. J.-C.), période des Temples A (4.100 à 2.500 av. J.-C.), puis une rupture civilisationnelle (vers 2.500 à 2.300 av. J.-C.), sur laquelle je reviendrai en conclusion. Ce petit archipel maltais concentre un nombre important de temples mégalithiques : actuellement dix-sept sites regroupent trente-trois temples. Il faut y ajouter une quinzaine d'autres sites qui représentaient au moins autant de temples supplémentaires, aujourd'hui disparus sous les bombes de la Seconde Guerre mondiale ou le pic des démolisseurs. Sur l'île de Gozo, un temple, à Ggantija, est classé sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1980. Sur l'île de Malte proprement dite, les temples de Mnajdra, et de Skorba,  etc., sont classés depuis 1992. Bien que n'étant pas vraiment des monuments mégalithiques, les hypogées (des constructions souterraines et plus spécifiquement des tombes creusées dans le sol) sont classés parmi les temples mégalithiques, et trois sites d'hypogée existent dans l'archipel maltais...

 

 

 

 

 

 

 

 

Carte des sites mégalithiques de Malte et de Gozo

 

 

 

   Apparu sur le site de Skorba vers 5.000 av. J.-C., soit deux millénaires avant les premières civilisations du sud de la Mésopotamie (notamment celle des Sumériens, entre le Tigre et l'Euphrate), et de l'Egypte pharaonique, lors de la phase de Ghar Dalam, le mégalithisme maltais a précédé de plusieurs centaines d'années le plus vieux site mégalithique continental connu à ce jour, le Cairn de Barnenez (1), qui daterait de 4.850-4.450 av. J.-C. En ce qui concerne les alignements de Carnac (2), quant à eux, ils ne dateraient que de 4.000 av. J.-C. L'époque qui s'ouvre alors se nomme la période des temples (4.100-2.500 av. J.-C.). Elle dura pendant 1.600 ans et a été subdivisée en cinq phases. Il est important de dire que les mastabas égyptiens (à partir des alentours de 2.700 av. J.-C.) et les grandes pyramides pharaoniques (vers 2.500 av. J.-C.) sont seulement  des contemporains des derniers temples maltais. Pour le cas du cercle de Stonehenge (3), il fut érigé entre 2.800 et 1.100 av. J.-C., et remanié jusqu'en 1.600 av. J.-C., à l'âge du bronze. J'ajoute que la grande période mégalithique maltaise était terminée depuis environ 700 ans lors de la construction de la plus ancienne période correspondant au célèbre palais de Cnossos en Crète (1.900-1.800 av. J.-C.), qui déboucha progressivement sur la civilisation minoenne de l'âge du bronze (jusqu'à sa probable destruction par une éruption volcanique accompagnée d'un tsunami, en provenance de l'île de Théra / Santorin). L'Histoire de Malte débuta donc très tôt, au Néolithique, vers 5.000 av. J.-C., avec l'émergence d'une civilisation sans doute portée par des immigrants venus - bien sûr par voie maritime - de Sicile, comme le prouvent les poteries caractéristiques de certaines régions siciliennes. La poterie de Ghar Dalam, généralement retrouvée très fragmentée sous forme de tessons, est abondamment décorée de figures gravées. Ces figures géométriques sont ordinairement faites de bandes horizontales, de chevrons, de zigzags ou de guirlandes. Les vases comportent des anses surmontées de têtes animales de bovins. Cette céramique maltaise est donc bien à mettre en relation avec la céramique sicilienne...

 

   Les nouveaux-venus enterraient leurs morts dans des tombes collectives et produisaient donc des poteries similaires à celles que l'on connaît de ce qui existait en Sicile. Mais ils édifiaient également des constructions mégalithiques avec de grands blocs de calcaire. On peut y voir, plus de mille ans avant les pyramides d'Égypte, la naissance de l'architecture monumentale. Ces constructions, sans doute à vocation religieuse, atteignent jusqu'à six mètres de haut et plus de vingt mètres de long. Elles comportent des chambres reliées par des couloirs. Que sait-on exactement sur la religion, l'économie, et la société, de cette civilisation ? Avec les temples, on voit apparaître évidemment l'importance du sacré. Le culte des ancêtres et des esprits était très important. Ces maltais du Néolithique utilisaient beaucoup la pigmentation à l'ocre rouge pour les morts (comme couleur du sang et symbole d'une renaissance après la mort). Dans le cadre des fouilles, les archéologues ont également retrouvé de très nombreuses déesses de la fertilité, aux formes lourdes (signes cultuels, mais aussi en rapport symbolique avec la crainte de manquer de nourriture). Bien que l'archipel maltais ait déjà eu peu d'eau à ces époques reculées (sécheresse à l'état endémique), une eau qui était considérée comme sacrée parce que rare, ces populations ont très bien su mettre en valeur les terres durant des millénaires en pratiquant une agriculture particulièrement adaptée - en tant que découverte fondamentale du Néolithique. L'autre activité était bien évidemment l'élevage, notamment pour les laitages. Les temples n'avaient pas seulement un rôle sacré, car on sait qu'ils étaient aussi des centres de redistribution collective pour les productions agricoles. Sur le plan social, la société était divisée en clans, ce qui n'empêchait pas l'existence d'un sens du partage des ressources. A côté des prêtres, qui détenaient le pouvoir essentiel (par l'organisation de la religion et le culte des ancêtres, etc.), la population était surtout constituée d'agriculteurs, mais aussi d'artisans potiers...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Temple de Mnajdra dans l'île de Malte

 

 

 

 

 

 

 

 

Temple de Ggantija dans l'île de Gozo

 

 

 

   Il n'y aurait pas eu de période du Chalcolithique (l'âge des métaux) à Malte. Des chercheurs ont pourtant voulu voir dans les traces de creusement de certaines salles d'hypogées l'utilisation d'outils métalliques ; mais aucune preuve n'est encore venue appuyer cette thèse. En fait, l'apparition des métaux à Malte ne date que des environs de 2.500 av. J.-C., avec l'arrivée de peuples guerriers venant de Sicile et d'Italie du sud. Par contre, les groupes qui ont abandonné des traces de leur présence vers 5.400 av. J.-C. dans le sol de Ghar Dalam sont les héritiers de la "révolution" qui avait transformé les hommes prédateurs (chasseurs-cueilleurs) du Paléolithique en hommes producteurs (cultivateurs-éleveurs) du Néolithique. Cette transformation eut lieu environ 4.500 ans plus tôt quand les peuplades situées entre le Tigre et l'Euphrate s'étaient sédentarisées grâce à l’abondance alimentaire de ce que l'on appelle le "Croissant fertile". Elles développèrent alors une connaissance suffisante de la nature, commençant à la transformer progressivement. C’est en pleine possession de cette connaissance que des groupes partirent à la conquête du monde. Et il fallut 45 siècles aux groupes du Néolithique pour rejoindre Ghar Dalam, par terre et par mer, et développer une culture à nulle autre comparable. L'expansion du Néolithique en Méditerranée centrale donna ainsi naissance à un type de céramique imprimée nommée céramique cardiale...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reconstitution du temple de Tarxien dans l'île de Malte

 

 

 

   Pour finir, la grande question qui se pose est : comment disparut cette civilisation d'apparence si stable, et pendant si longtemps ? Une chose est certaine : des événements brusques se produisirent entre 2.500 et 2.300 av. J.-C. (à l'époque pré-palatiale pour la Crète minoenne, selon la nomenclature chronologique établie par l'archéologue Nicolas Platon, plus précise que celle, ancienne, d'Arthur Evans). Au niveau de la chute de cette culture civilisationnelle, plusieurs hypothèses ont été avancées. Des problèmes se seraient posés pour l'accès à la nourriture, ce qui aurait entraîné des révoltes populaires (on en a trouvé des traces) - avant tout contre les prêtres, qui ne voulaient rien céder quant à leur domination sociale ; l'ancien équilibre social aurait ainsi fini par imploser. Des changements climatiques se sont produits (cela est absolument certain), avec des tempêtes, qui entraînèrent les sols fertiles par ruissellement le long des pentes. Puis, il y eut au contraire l'accroissement de la sécheresse. On a de ce fait des preuves de famine (et même de maladies, telle que la peste). J'ajoute que, pour tous les peuples du Proche et du Moyen-Orient, si l'on se réfère à l’Épopée mésopotamienne de Gilgamesh (4), des cataclysmes se produisirent durant ces périodes : déluge, importante activité volcanique, pluie de météorites, etc... Il y a de toute façon un fait indiscutable : les temples furent bientôt laissés à l'abandon, et il semble qu'une nouvelle population se soit alors installée sur l'île, amenant avec elle la métallurgie du bronze - et peut-être même, de ce fait, la guerre... Et, ce qui restait du peuple des temples des mégalithes quitta l'archipel maltais, jusqu'à ce que les Phéniciens (venant en gros du Liban actuel) (5) - et en toute première place - finissent par s'y installer, dès la fin de l'âge du bronze...

 

 

 

 

(1)- Le Cairn de Barnenez est un monument mégalithique datant de la période du Néolithique et se trouvant au lieu-dit Barnenez dans la commune de Plouezoc'h, sur la côte nord du Finistère, en Bretagne. D'une longueur de 75 m, il est constitué en réalité de deux cairns en pierres sèches accolés, qui recouvrent onze dolmens à couloir. Pendant longtemps, les archéologues le considérèrent comme un simple tumulus de l'époque celtique

 

 

(2)- Les alignements de Carnac forment un site d'alignements mégalithiques vraiment exceptionnel situé sur les communes de Carnac et de La Trinité-sur-Mer dans le département du Morbihan en Bretagne, et constitué d'alignements de menhirs, de dolmens et d'allées couvertes et réparties sur une distance de plus de quatre kilomètres

 

 

(3)- Le Cercle de Stonehenge est un monument mégalithique composé d'un ensemble de structures circulaires concentriques. Il est situé à treize kilomètres au nord de Salisbury, et à quatre kilomètres à l'ouest d'Amesbury (comté du Wiltshire, en Angleterre). L'ensemble du site de Stonehenge et le cromlech d'Avebury, à une quarantaine de kilomètres au nord, sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO dans un ensemble intitulé "Stonehenge, Avebury et sites associés"

 

 

(4)- L'Epopée de Gilgamesh est un récit épique de la Mésopotamie. Faisant partie des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité, voire la plus ancienne, et de toute façon très nettement avant la Bible (l'Ancien Testament), la première version connue en fut rédigée en akkadien dans la Babylonie du XVIIIe au XVIIe siècle av. J.-C. Cette épopée de Gilgamesh nous donne une description de la montée des eaux, un "déluge" qui aurait peut-être inspiré le texte biblique du peuple des Hébreux (?)

 

 

(5)- Les Phéniciens étaient un peuple antique originaire des cités de Phénicie, région qui correspond à peu près au Liban actuel. Cette dénomination provient des auteurs grecs qui ont écrit à leur sujet. La civilisation phénicienne, fondée sur l'expansion maritime et commerciale, ainsi que la création d'un alphabet extrêmement important pour la suite de l'histoire de l'humanité, se caractérisa aussi par la création d'un empire colonial, avec notamment la création de Carthage

 

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

 

 

"B.A.-B.A. des mégalithes" - Myriam Philibert, Pardès, 2000, 128 pages

 

 

"Le monde des mégalithes" - Jean-Pierre Mohen, Casterman, 1993, 319 pages

 

 

"Malte : une terre chargée d'histoire" - Antoigne Lorgnier et Charles Rossignol, Georges Naef, 2004, 128 pages

 

 

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

24 juillet 2019

 


25/07/2019
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UN SITE CYCLADIQUE PRE-MINOEN

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

 

Île pyramidale de Kéros dans les Cyclades

 

 

 

   Une découverte archéologique d'importance a eu lieu dans le cadre des Cyclades, qui étaient connues jusqu'alors - depuis le néolithique - pour leur statuaire très particulière de grande valeur artistique. Et l'on pensait que les pré-Grecs n'étaient apparus que dans le cadre de la Crète minoenne, avec notamment le palais de Cnossos - qui avait été fouillé par l'archéologue anglais Sir Arthur Evans depuis 1900 ; sans oublier l'annexe de Théra (Santorin). Ces civilisations de l'âge du bronze situées en Mer Egée et au sud de la Grèce continentale avaient établi une véritable thalassocratie (domination commerciale et militaire maritime) à partir de 2.700 av. J.C., soit au IIIe millénaire avant notre ère. On en concluait donc que la civilisation grecque était issue de ces cultures extrêmement brillantes, qui virent éclore de multiples palais en Crète et des merveilles archéologiques uniques au niveau du site d'Akrotiri à Théra/Santorin  (1) avec ses fresques polychromes d'une fraîcheur exceptionnelle et ses maisons à deux étages conservées grâce à une explosion volcanique...

 

 

 

 

 

 

 

 

Carte des Cyclades avec au nord-ouest Athènes et au sud l'île de Théra/Santorin

 

 

 

 

 

 

 

 

Images traditionnelles de l'art des Cyclades

 

 

 

   Or, que vient-on d'apprendre ? Le fait qu'une nouvelle découverte a peut-être révélé l'origine véritable de la culture grecque antique. Il se trouve qu'à Kéros (2), dans un îlot des Cyclades, et en forme de pyramide, les archéologues ont trouvé des preuves d'un riche paysage culturel et monumental datant de l'âge du bronze, mais d'une époque bien antérieure à celle des Minoens. Il s’agirait d’un centre religieux majeur créé avec des connaissances techniques bien antérieures à celles trouvées au palais de Cnossos, avec au moins 500 ans d'avance, ce qui indiquerait que ce site aurait joué un rôle important dans le développement de la civilisation grecque. Cette île en forme de pyramide est l'îlot stérile de Daskalio, qui se trouve sur la côte de l'île de Kéros, l'une des îles des Cyclades. Daskalio a fait l'objet d'intenses recherches archéologiques depuis 2015, lorsqu'un site avait été localisé. Les recherches furent menées par une équipe multinationale, soutenue par le gouvernement grec et l'école britannique d'Athènes...

 

   Il s'agirait donc là chronologiquement du premier centre urbain grec, ou pré-grec, ce qui enlèverait évidemment cette position d'origine à la Crète minoenne et à Théra/Santorin. Le projet a été dirigé depuis par Colin Renfrew et Michael Boyd et a permis de découvrir, je cite : "le plus ancien complexe de bâtiments véritablement monumental jamais découvert dans le monde grec" (ou pré-grec), rapporte The Independent. L'îlot avait un règlement pour les artisans avec des ateliers de métallurgie, des bâtiments, et même des installations de plomberie, et tout cela plusieurs siècles avant leurs équivalents chez les Minoens de Cnossos, considérés jusqu'alors comme la première civilisation européenne, et de ce fait à l'origine de la civilisation grecque. Selon le site web Keep Talking Greece, l'équipe d'archéologues qui avait travaillé sur le site en arriva sans hésiter à révéler des éléments montrant : "une société complexe, stratifiée et techniquement experte"...

 

 

 

 

 

 

Terrasses de l'îlot de Daskalio

 

 

   Cet îlot de Daskalio a une forme de pyramide très distinctive. Mais alors, est-il possible d'expliciter ce fait ? Cette forme est due aux nombreuses activités d'ingénierie des anciens peuples des îles de la mer Égée. Ils avaient délibérément exagéré la forme pyramidale de l’affleurement rocheux en créant plusieurs terrasses gigantesques, qui mesuraient au total environ 300 mètres de hauteur. Il y avait au total six terrasses sur lesquelles ont été construits un certain nombre de bâtiments, principalement en marbre, un fait que l'ont peut considérer comme relativement surprenant, car signe d'aisance et de modernité pour l'époque. Certains de ces bâtiments étaient sur deux étages (de même que plus tard par exemple à Akrotiri pour Théra/Santorin, ou à Cnossos en Crète) et disposaient d'escaliers, qui avaient été construits en marbre. Le paysage culturel avait été construit et établi sur une période de quatre décennies en reposant sur un design unique...

 

   A propos du caractère religieux, l'île pyramidale était sans doute un site qui attirait des pèlerins venus de très loin, qui y ont d'ailleurs enterré de petites statues en sacrifice à des divinités. Le sommet de la pyramide était un espace ouvert pouvant être utilisé pour des sacrifices ou des offrandes votives. L'identité des dieux qui ont été vénérés ici est totalement inconnue. Il n'y a pas de terres arables sur le piton rocheux et peu sur l'île de Kéros. Par conséquent, les habitants de l'ancien Daskalio étaient peut-être dépendants de pèlerins religieux et aussi engagés dans le commerce. Keep Talking Greece rapporte que des fouilles archéologiques indiquent que : "le commerce des colons s'étendait sur un vaste réseau allant au-delà des Cyclades". Il existe des preuves selon lesquelles les habitants se spécialisèrent dans la métallurgie et qu'ils ont peut-être échangé leurs produits métalliques contre de la nourriture...

 

   Un tel complexe nécessitait beaucoup de travail et d'organisation, en particulier pour extraire le marbre des carrières de l'île de Naxos, pas très lointaines. Selon The Independent, on estime qu’au moins 3.500 voyages maritimes permettaient de transporter entre 7.000 et 10.000 tonnes de marbre blanc brillant. Cela indique que les constructeurs du complexe étaient déjà de grands marins et des constructeurs de navires. L'énorme volume de travail requis suggérerait un État puissant et unifié, ou une ligue de petites entités politiques. Il est probable que le site était lié au premier État hellénique de l’Histoire. L'ingénierie, la complexité de l'organisation, la construction navale, et le travail des métaux nécessaires à la construction d'un tel lieu, indiquent que cette civilisation était déjà très avancée, s'étant développée depuis des centaines d'années. Cette entité politique aurait pu influencer le développement des Minoens en Crète et plus tard des Mycéniens...

 

   Y avait-il une influence des anciens Egyptiens ? Il semble en effet que ce complexe de l'âge du bronze fasse partie d'une vague de bâtiments monumentaux similaires qui se sont élevés dans le monde entier à cette époque (tous les monuments, des mégalithes jusqu'aux pyramides). Cela résultait des nouvelles technologies ou de l'échange de nouvelles idées, diffusées par des voies commerciales. La forme pyramidale de l'îlot semble effectivement indiquer l'influence de l'Égypte, qui l'a associée à son dieu créateur. Il est possible que l'île pyramidale représentait pour ces premiers pré-Grecs une terre émergeant de la mer primordiale, croyance inspirée par les mythes de l'Égypte antique. On peut soutenir aussi que la construction du complexe en forme de pyramide était liée à l'importance que les Grecs attachaient aux montagnes dans leur religion. Par exemple, on sait que le mont Olympe était considéré comme la patrie de Zeus et des autres divinités dans leur mythologie. Il est raisonnable de supposer que l’idée selon laquelle les montagnes étaient sacrées ait probablement pris naissance dans les Cyclades...

 

 

 

 

 

 

Île de Kéros et îlot de Daskalio

 

 

   The Independent cite Michael Boyd, affirmant que les recherches de l'équipe : "suggèrent que ces très anciens Grecs étaient beaucoup plus avancés sur le plan organisationnel, technique et politique qu'on ne le pensait auparavant". Cela pourrait donc indiquer que les îles des Cyclades - ou en tout cas certaines d'entre elles - furent probablement le berceau de la civilisation hellénique, ce qui correspondrait à une découverte vraiment fondamentale. Leurs idées religieuses, leur technologie, et leur organisation politique, tout cela a probablement influencé ultérieurement les Minoens, puis, à leur tour, les Grecs du continent. Pour l'avenir, il semble évident que l'île pyramidale continuera à fournir des informations supplémentaires, et peut-être même de grandes surprises supplémentaires sur certaines des plus anciennes sociétés helléniques...

 

 

 

(1)- La civilisation minoenne (du nom du roi légendaire Minos) est une civilisation antique de l'âge du bronze qui se développa sur les îles de Crète, de Théra/Santorin, et probablement sur une grande partie de la Mer Egée - comme on le découvre de plus en plus -, au sud de la Grèce, de 2700 à 1200 av. J.C.

 

(2)- Avec 15,2 km², Kéros, non loin de Naxos, est la plus grande île des petites Cyclades. Aujourd'hui déserte, l'île joua un grand rôle dans la civilisation cycladique. C'est en effet sur Kéros que furent retrouvées les plus célèbres parmi les idoles cycladiques , et surtout le joueur de flûte et le harpiste qui se trouvent maintenant à Athènes

 

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

 

"Ancient Origins" - Ed Whelan, 10 juillet 2019

 

 

"Les origines grecques à l'âge du bronze : 3000 à 900 avant notre ère" - Jean Faucounau, Editions L'Harmattan, 2005, 210 pages

 

 

"Les civilisations égéennes du néolithique et de l'âge du bronze" - Sous la direction de René Treuil, PUF, "Nouvelle Clio", 2008, 559 pages

 

 

"L'art égéen : Tome 1, Grèce, Cyclades, Crète jusqu'au milieu du IIe millénaire av. J.-C." - Jean-Claude Poursat, Editions Picard, 2008, 303 pages

 

 

Mes remerciements à Daryl Suzukawa qui a eu la gentillesse de me faire parvenir l'article suscité d'Ed Whelan extrait de "Ancient Origins"

 

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

14 juillet 2019

 

 

 


14/07/2019
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A PROPOS DU PREMIER MAI

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

   Lorsqu’on pense "1er mai" aujourd’hui encore, cela évoque bien sûr pour nous au moins deux choses. Nous avons d'abord en tête les débuts potentiels de l’affirmation plus ou moins nette du printemps, avec ses marchands de muguet, souvent à la sauvette. Ajoutons à ce niveau que le 1er mai était célébré depuis fort longtemps par les coutumes de l’arbre de mai (un rite de fécondité lié au retour de la frondaison et jadis répandu dans toute l’Europe occidentale). Et nous pensons tout de suite à la "Fête du Travail", débouchant à la fois vers un jour de congé (et même souvent la possibilité de "faire le pont" grâce à l’arrivée d’un week-end ou à la prise d’un ou plusieurs jours de RTT) et le maintien d’une "tradition", avec les défilés des syndicats. Et puis, il y a aussi le 1er mai de l'ancien Front National, devenu Rassemblement National, qui célèbre, lui aussi, depuis les années 1980, son "1er mai", celui de "Jeanne d’Arc", comme "protectrice" de la "patrie", et - en fait - en tant qu’affirmation du patriotisme, débouchant sur le nationalisme. Mais, par rapport à tout ce que je viens d’écrire, quel serait le % de jeunes (notamment) dont nous pourrions être certains qu'ils connaîtraient vraiment les origines du 1er mai, en rapport avec ce que fut l’histoire du mouvement ouvrier  français et surtout sur le plan international... ?

 

   En effet, c’est aux États-Unis qu’apparut pour la première fois l’idée d’une journée de lutte des ouvriers, et ceci n’avait absolument rien d’une fête chômée. Il s’agissait prioritairement d’une exigence de la réduction du temps de travail par jour. A la fin du XIXe siècle, les syndicats américains, dans le cadre de leur congrès de l’année 1884, se donnèrent pour objectif d’imposer au patronat une journée de travail limitée à huit heures. Et ils choisirent justement de lancer leur lutte pour cette revendication un 1er mai… En effet, la première grande action de ce type eut lieu le 1er mai 1886, sous l’influence des courants syndicalistes anarchistes des Etats-Unis ; et elle fut d’ailleurs assez largement suivie. Des morts tombèrent le 4 mai parmi les travailleurs, à Chicago, une marche de protestation ayant eu lieu à Haymarket Square, suivie de graves troubles entre manifestants et forces de l’ordre, aboutissant à un véritable massacre. Puis, cinq syndicalistes anarchistes furent condamnés à mort et trois à l’emprisonnement à perpétuité...

 

   En France, trois hommes furent à l’origine du 1er mai conçu comme journée de lutte, en hommage aux terribles événements de Haymarket Square. Il faut d’abord insister sur le rôle de Jean Dormoy, socialiste et syndicaliste (qui devint maire de la ville de Montluçon dans l’Allier, l’une des premières municipalités socialistes de l’Histoire). Jean Dormoy, ami de Paul Lafargue (gendre de Karl Marx) et de Jules Guesde, fut d’ailleurs surnommé "Le forgeron du premier mai". C’est en effet durant l’année 1888 qu’il lança - au niveau syndical - le projet d’organiser une grande manifestation populaire des travailleurs sur le plan international. Il y eut aussi l’action de Raymond Lavigne, un autre militant socialiste et syndicaliste, d’origine bordelaise, également ami de Jules Guesde, qui proposa à la IIe Internationale socialiste, en 1889 (dans le contexte du Centenaire de la Révolution française et de l’Exposition universelle), de faire désormais de chaque 1er mai une grande journée de manifestation destinée à obtenir les 48 heures hebdomadaires de travail, le dimanche étant alors le seul jour chômé... Il y eut enfin le rôle d’impulsion que joua le leader du POF (Parti Ouvrier Français), Jules Guesde (déjà cité), marxiste orthodoxe, qui poussa la IIe Internationale à entériner cette proposition, le 20 juillet 1889 ; c’est par ailleurs Guesde qui, le premier, inventa le terme de "fêtes du travail", en 1890...

 

   Le 1er mai 1890 fut ainsi célébré pour la première fois internationalement, mais avec des niveaux de participation très divers. Comment ne pas signaler au passage les terribles événements qui se déroulèrent le 1er mai 1891 lorsqu’à Fourmies (commune du département du Nord) la manifestation ouvrière aboutit à un drame, avec une fusillade, la troupe ayant tiré sur la foule, ce qui occasionna la mort de dix personnes... A partir de cette journée d’action de lutte sociale, voyons rapidement, pour la France, quelle fut l’histoire de ce 1er mai, jusqu’à ce qu’il devienne ce que nous connaissons de nos jours. Elle dépendit de l’évolution du syndicalisme, qui prit son essor entre la fin du XIXe siècle et les débuts du XXe. La revendication concentrée sur "Les Trois 8" (8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de sommeil) eut une ampleur de plus en plus grande avant la Guerre de 14, notamment au moment des grandes grèves des premières années du XXe siècle. Ce fut sous la pression syndicale que l'on assista à la ratification officielle de la journée de 8 heures de travail en 1919 (donc sous la IIIe République), le 1er mai de l’année en question devenant alors une journée chômée...

 

   Une instrumentalisation politique se produisit à l’époque du régime de Vichy, dans la mesure où ce fut en avril 1941 - par la loi Belin (un ancien syndicaliste) - que le maréchal Pétain instaura le 1er mai comme étant "la fête du travail et de la concorde sociale" au lieu de "la fête des travailleurs", étant donné que cette dernière expression évoquait trop, à ses yeux, la "lutte des classes". Le 1er mai devint alors à la fois férié, chômé, et payé. Au niveau des symboles, l’églantine rouge, associée à une image de gauche, fut remplacée par le muguet... Le maréchal Pétain profita de ce que le 1er mai coïncidait avec la saint Philippe (son propre prénom) pour en faire une sorte de fête nationale... A la Libération, pendant la période du "tripartisme" (1), ce dernier aspect fut bien sûr supprimé. En 1947, on en revint au jour chômé et payé (avec inscription dans le code du travail), et ce n’est qu’en avril 1948 que la IVe République officialisa la désormais célèbre dénomination de "Fête du travail". Depuis lors, et comme après la création de la CGT (2) (à l’époque unifiée) en 1895 - sauf pendant la période du régime de Vichy -, le 1er mai fut l’occasion de manifestations syndicales plus ou moins fournies, parfois unitaires, mais aussi assez souvent en ordre dispersé, étant donné le pluralisme extrême et, somme toute, la faiblesse du syndicalisme français en % d’adhérents...

 

 

(1)- Le "tripartisme" fut une coalition politique qui exista pendant les premières années de la IVe République, et qui regroupait le PS SFIO (socialistes), le PCF (communistes), et le MRP, ou Mouvement Républicain Populaire (catholiques de gauche et démocrates-chrétiens)

 

(2)- La CGT (ou Confédération Générale du Travail) avait été créée en 1895. Elle resta unifiée, puis se divisa plusieurs fois entre des syndicats aux noms différents, la CGT maintenu ayant toujours gardé une sympathie plus ou moins marquée envers le PCF

 

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

"Histoire du Premier Mai" - Maurice Dommanget, Éditions Le Mot et le reste, réédition 2006, 520 pages

 

"Le 1er mai" - Miguel Rodriguez, Éditions Folio, réédition revue et augmentée 2013, 368 pages

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

Avec l'autorisation de Reflets du Temps

 

1er mai 2019

 


01/05/2019
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