DE L’HORIZONTALITÉ EN TROMPE-L’ŒIL
Catégorie : Opinions
Il y avait eu ce mot, verticalité, balancé partout depuis avant l'été et hantant le moindre rond-point : - oh ! Là-haut, tu m'entends ?? Alors, en ce deuxième round de l'hiver, voilà quasi sans transitions, l'horizontalité en gloire : - Cause, mon camarade !. Et le "grand débat" de battre la campagne et quelques coins de villes... Où l'on entend comme dans une réunion 3e âge, en lieu et place du crochet, ou de l'aquarelle, s'essayer à une causerie, pas mal de gens âgés mais fringants, émoustillés, car n'ayant jamais milité politiquement ou syndicalement autour d'une table en formica et sous la lampe crue du vieux "local" de ma jeunesse. Ils énumèrent en vrac ce qui ne va pas, ce qui pourrait être arrangé, ce que - moi - je veux (voudrais étant trop incertain), et si possible, vite. Débattre ? Vous voulez rire, mais doléer (de ce vieux et beau mot disant la douleur), ça, oui. Et, même, quand le public échappe à cette caricature-clin d’œil de la maison de retraite à laquelle je faisais allusion, et malgré la présence ça et là, limite cirque médiatique, du président lui même, en seconde campagne électorale, pour reconquérir un électorat perplexe.
L'horizontalité est à la mode et le mot vole de débat tv d'experts en marché du dimanche. Mais, quoi-qu'est-ce ?? Passerait-on en un clic internet (puisque la toile est partie prenante du débat) de "Jupiter" à "l'agora" ? Il y a en ce beau pays de France démocratisé depuis des lunes - de part et d'autre de ses révolutions ayant accouché dans la douleur de ce suffrage universel si cher à chacun, et bien plus peut-être à chacune -, un type de voix du peuple, la démocratie représentative, que nos institutions de la Ve République ont largement installée en gloire. On vote de temps en temps, on délègue, et là-haut, la ponte des lois et autres règlements se fait, immuable mais de moins en moins visible, faut-il le dire, de moins en moins satisfaisante. C'est à n'en pas douter ce qui sourd de la crise actuelle et de ces ronds-points, où, n'en déplaise à certains, on sait quand même lire. Et les fusées d'animer le ciel ces temps-ci, de la demande, ou du simple rêve de toutes espèces de référendums, en volonté (ou simplement croyances inquiétantes) de se mêler de tout, de s'imaginer pouvoir à n'importe quel niveau et compétence, tout demander, et dans la foulée, tout faire. "On va revoir les lois", a dit il y a peu - péremptoire ou crédule - un certain, estampillé gilet dans les premières réunions de doléances, trop vite nommées débat en marche. Car, lister ses plaintes - je veux croire que c'est légitime et que l'initiative de l'Exécutif, là, est adaptée au moment - est une étape distincte du débat qui ne peut que suivre et non être, comme c'est le cas, mélangé au premier temps. Le "en même temps" du président, là, ne marche pas. La foire à "tout ce qui cause en bas" bat, peut-être les estrades, mais cela ne saurait faire démocratie participative, car on peut supposer que dans l'absence de pédagogie de l'outil offert, ce n'est pas de démocratie directe (je veux, je vote, j'obtiens) qu'il puisse s'agir. La démocratie participative, via ses doses diversement insufflables, était en 2007, souvenez-vous, un cheval important dans la bataille de Ségolène, qui alla jusqu'à la mettre en œuvre dans sa campagne , et à être imitée ailleurs qu'en France. Il s'agissait avant tout d'un - là, qu'est-ce que vous en pensez ? d'un dialogue en bas, avec la gens politique se réservant la construction, l'architecture, la mise en œuvre de ces "idées", pour peu qu'elles soient retenues. Nulle part, nous n'entendions la candidate battue ultérieurement demander crûment aux gens, ce - comment vous feriez là, vous ? à ma place, qui serait tout sauf participation, mais délire et perte de temps démagogique.
Or, quelques bonnes années après, reproduisant "la marche au contact des électeurs" de la campagne de 2017 d'Emmanuel Macron et les siens, nous voici devant un objet politique non identifié, cousu de tout un peu. Des miettes de démocratie directe (s'arrêtant à la parole, s'entend), un vague habillage de démocratie participative, où faire causer vaudrait thérapie de groupe, une démocratie représentative, qu'on ne saurait tuer, mais qu'on se contente de glisser dans l'ombre, sans la réexpertiser, ni chercher à jouer sur ses leviers. Tout ce matériel - je ne dirais pas ce "barouf", car je respecte trop ce qui est d'ordre démocratique - donné à disposition de gens qui suent encore, ou leur colère, ou leur désarroi, en tous cas une épaisse méfiance. Et, cela, sans guère de mode d'emploi, sans visibilité aucune sur ce qui sera fait des paroles citoyennes recueillies, toute cette énergie en un temps court guère compatible avec un résultat tangible - trois mois, si j'ai bien entendu. Quelques exemples pour le moins déstabilisants sont de nature à nous interroger : lisez bien les axes et autres items ; brouillon de pistes possibles d'expression fournies par le pouvoir ; s'il est beaucoup de fenêtres où l'avis de tout un chacun est exprimable et ensuite peut faire l'objet d'une collecte ultérieurement utilisable - écologie et autres sujets sociétaux de base, sont instillés dans les listes des éléments beaucoup plus techniques et parfaitement vagues, du type - comment organiseriez-vous la réforme fiscale ? impossible à traiter en ces débats, car de fait, équivalents à - gouvernez à ma place... Erreur, précipitation inexpérimentée du pouvoir ? Ou - certains diront que je suis malveillante - volonté de mettre en lumière la maladresse et l'incapacité des citoyens convoqués, et donc l’inutilité du dispositif lui-même, ainsi désigné comme simple outil d'occupation des esprits surchauffés ?? et de fait, dévalidé dans l’œuf...
Qu'on m'entende bien : le concept de cahier de doléance m'est historiquement cher, celui d'un débat citoyen et de l'amorce d'une démocratie participative m'est, en tant que femme de gauche, une idée précieuse à creuser, et je suis reconnaissante à notre Exécutif, qui, bien qu'inexpérimenté, a choisi cette voie face à la violence des rues, mais... j'ai tous doutes sur la suite - qu'en fait-on ? et me permets de dire au président à quel point, en cas de cafouillage, le remède d'aujourd'hui deviendrait le mal de demain. Par ailleurs, les leviers sur le fonctionnement de notre démocratie représentative n'auraient-ils pas dû être activés dès l'entrée du quinquennat ? Notamment dans le volet du mode de scrutin : comment gérer les électeurs de la candidate battue au second tour, "récompensés" d'à peine une dizaine de députés à l'assemblée ? C'est, on le sait, de cette grossesse-là que sont nés pas mal de Gilets Jaunes...
Causer n'étant en rien débattre, force est de se méfier au plus haut point de l'outil en l'état, et nul doute que cela occupe les rares heures de sommeil de notre président, et à bon droit. Mais on peut aussi entendre le propos d'un Olivier Faure disant en politique expérimenté "qu'un outil, on s'en sert"...
Martine L Petauton
28 janvier 2019
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