INTOLERANCE
Catégorie : Cinéma
Réalisateur : David Wark Griffith - 1916
Une affiche du film
"Intolérance" (ou "Love's Struggle Throughout the Ages") est un film muet, une superproduction à caractère historique et humaniste que David Wark Griffith réalisa en 1916 au moins en partie lorsqu'il s'était rendu compte des polémiques qu'avaient suscitées contre lui son œuvre "Naissance d'une Nation" (ou "The Birth of a Nation"), qui était sortie en salle l'année précédente. On peut donc dire qu'il chercha peut-être, avec ce film unique pour l'époque, à se faire pardonner pour avoir pris le parti des Sudistes et même mis en scène à un moment - de manière positive - le Ku Klux Klan. "Intolérance" présente une conception extrêmement originale, puisqu'il est découpé sous la forme de différents tableaux mettant en évidence les souffrances infligées par l'homme envers ses semblables à travers certains moments de l'histoire de l'humanité. Dans tous les grands manuels d'histoire du cinéma, et lorsque l'on voit ou revoit ce film inoubliable, on comprend pourquoi cette production est très souvent considérée comme un chef-d'œuvre magistral et caractéristique du génie de Griffith, ceci dans tous les domaines : pour l'écriture du scénario, la direction des acteurs, la mise en scène, les décors, et bien sûr le montage, etc...
Au niveau du scénario, et à travers l'image d'une femme berçant un enfant (l'actrice Lilian Gish) entre chaque moment alterné plusieurs fois, quatre épisodes de l'intolérance sont racontés. Ces époques sont les suivantes : il y a la répression des grèves aux Etats-Unis, la Passion du Christ, le massacre de la Saint-Barthélémy, et Babylone dans l'Antiquité. Dans presque tous ces épisodes, l'intolérance l'emportera sur l'amour. D'abord, aux Etats-Unis au début du XXe siècle, il y a l'intolérance d'un groupe de femmes, décidées à combattre l'immoralité, et qui va être l'élément déclencheur d'une grève dans une minoterie, qui mènera le héros à la pauvreté et au crime, puis à la pendaison (à laquelle il échappe in extremis)... Ensuite, au début de l'ère chrétienne, on assiste à l'intolérance des pharisiens, notamment lors de la réunion du Sanhédrin, et qui mène à la Crucifixion de Jésus... Puis, en France, au XVIe siècle, on assiste à l'intolérance des catholiques, menés par Catherine de Médicis, qui sera la cause du massacre des protestants lors de la Saint-Barthélémy : un épisode des Guerres de religion sous Charles IX... Enfin, il y a Babylone, à l'époque chaldéenne, lors du conflit entre Balthazar et Cyrus, et où la chute de la cité est due à des dissensions entre les adeptes du dieu Baal et ceux de la déesse Ishtar...
Episode avant le massacre de la Saint-Barthélémy
Episode de Babylone avant l'arrivée de Cyrus
Intégrale de "Intolérance" : cliquer sur le lien ci-dessous
https://www.youtube.com/watch?v=-zzXYPJAGkg
"Intolérance" fut présenté en septembre 1916, mais cette fois-ci, le succès fut nettement moindre que celui de "Naissance d'une Nation". Griffith venait de fonder avec Thomas H. Ince et Mack Sennett la firme Triangle. L'échec commercial du film en entraîna la chute de cette firme, car le prix de la superproduction fut vraiment considérable, le film ayant fait travailler 60.000 figurants, ouvriers, techniciens, et acteurs, sans oublier le nombre incroyable des assistants de grande valeur. Au total, il coûta une somme colossale en dollars. Malgré cet échec commercial, "Intolérance" n'en resta pas moins un film très admiré durant les années qui suivirent, en particulier en URSS, où il exerça une grande influence auprès des réalisateurs soviétiques. Ainsi, le grand cinéaste Eisenstein déclara : "Le meilleur du cinéma soviétique est sorti "d'Intolérance". Quant à moi, je lui dois tout".... Cette super-production est incontestablement une œuvre majeure du cinéma et de son auteur. Elle est très ambitieuse par ses dimensions épiques. Le montage est particulièrement ingénieux (bien que les histoires ne se succèdent pas, ce qui dérouta une bonne partie du public), la narration est fluide, et Griffith était arrivé à introduire du suspense dans ces histoires pourtant disparates. Les reconstitutions sont gigantesques, et n'ont pas grand chose à envier à des productions modernes. Cela dit, si les différentes histoires sont toutes bonnes, elles apparaissent tout de même comme étant de qualité inégale. Pour moi, c'est tout ce qui concerne l'épisode lié à Babylone qui apparaît comme le plus exceptionnel, à mettre vraiment au-dessus des autres moments. Le film a beau durer trois heures, on ne s'ennuie pas une seule seconde si on accepte de rentrer dans cet univers que fut le cinéma muet. Bref,une très belle oeuvre, captivante et fascinante de bout en bout. Et c'est aussi une démonstration de force du génie de Griffith, et ceci dans tous les domaines...
Jean-Luc Lamouché
16 juillet 2019
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