LE TEMPS DES URNES MALÉFIQUES...
Catégorie : Actualité générale
Bolsonaro, président d'extrême droite du Brésil
Le temps des urnes maléfiques semble installé durablement. Au lendemain de Midterms américains où Trump, prototype du populisme coutumier en bras d'honneurs en tous genres face à ce qui surnage de démocratie à l'ancienne, n'a certes pas gagné - le vote démocrate ayant récupéré la Chambre des Représentants, mais n'a pour autant pas perdu ; Sénat conservé aux Républicains. Surtout, 2 Amériques continuent de se faire face. Un grand intérieur fermé sur son "América first", et même à présent "only", ou quasiment "alone", mélange de "premiers de cordée" archi libéraux accrochés aux succès économiques, et au pétrole texan, et de vieux décatis nourris aux peurs, guettant le bruit des migrants en marche sous le ciel frelaté de Floride. Et une Amérique des côtes, ouverte, mélangée, médias et intellos - celle qui nous parle sur nos écrans, ici ; celle qu'on a un peu vite consacrée comme la voix de l'Amérique... Mais, rétorque mon voisin-bon-sens-dans-votre-cour - ils ont voté ! C'est la démocratie... Les pires allégations, les plus aberrantes et dangereuses décisions, les façons les plus abjectes que les Etats-Unis aient jamais connues, sortent, c'est évident, directement du vocabulaire démocratique le plus classique ; on y cause constitution, mécanismes institutionnels, élections et bien sûr urnes. On y parle démocratie, même si c'est avec un drôle d'accent et une étrange syntaxe. Trump et les siens n'ont pas à ce jour fait basculer le pays dans la dictature par les bruits de botte d'un quelconque coup d'état. On est dans autre chose...
Au Brésil, à une pincée de sinistres jours, n'est-ce pas le peuple qui, par son vote - confortable - a ovationné un quidam quasi-inconnu, ancien militaire réputé radical, tenant des propos à peine croyables sur les minorités, les homosexuels et les femmes libérées, conspuant l'opposition comme "vermine rouge" (sic), ressuscitant, inouï, l'horrible dictature (1964-1985) comme vendable, recyclable, au nom de l'ordre. Tout ça dans l'urne... A quoi bon, au bout, les vieux outils des pouvoirs dictatoriaux, les militaires bruyants et les coups d'état, les stades du Chili et les prisons de Pologne, les partis interdits et l'ordre des "escadrons de la mort"... ?! Pourquoi se mettre à dos la bien-pensance internationale quand on peut s'installer au nom du vote, presque comme un pouvoir honorable ? Simplement un système autoritaire, finalement, juste un peu plus "couillu" et "fort en gueule" que le reste du monde. Du coup, on l'aura remarqué, le logiciel de nos peurs a changé. Nous ne tremblons plus de la même façon. Eloignées dans nos mémoires politiques, les terribles images et sons des militaires marchant dans les villes désertes (ce cheval blanc galopant dans la nuit du film de Costa Gavras "Missing" sur le Chili ; le concept entier dans ce plan séquence). C'est le dernier tweet et la trogne bonhomme du 1er américain qui nous hante à présent, parce qu'on en capte le cancer du réseau des conséquences. C'est le déguisement d'un Orban né dans un parti démocratique centriste post-communiste, si "raisonnable" d'apparence, ou la perversité d'un "parti de la liberté" aux Pays Bas, détournant les valeurs classiques de la démocratie, qui nous fait soucis. Et que dire du sourire de Marine et de son côté bien dans son urne... ?
C'est évidemment ce transgenre politique, ces gouvernances différentes, colorées mi- chèvre mi-chou, difficiles à repérer et surtout à lire, qui font la difficulté à les manier, les anticiper, et qui sont le cœur nucléaire de nos inquiétudes : les dictatures mutent. Faut-il tourner quelques pages encore chaudes de nos livres d'histoire, à nous, vieille Europe, vieux pays, comme disait un certain à l'ONU il y a déjà longtemps... ? Des scores record de l’extrême droite dans de vieux terreaux démocratiques ; pays scandinaves, Belgique, Hollande, France ; l'arrivée si symbolique de députés AFD au Bundestag allemand. L'Europe centrale nourrissant à la pelle des porteurs de discours haineux, discriminants. L'Autriche de Strache, si "class" sur ses photos papier glacé et la Hongrie orbanienne si inventive avec son regard sur les "démocratures" et son "illibéralisme" proclamé. Sans compter la bombe italienne et l'effet carpe-lapin de la vieille ligue fasciste rajeunie au sourire carnassier de Salvini, campant aux côtés et étouffant peu à peu le "ya-ka" anarchisant des 5 étoiles. Que de bulletins de vote, que d'urnes de cauchemars de fin de nuit ! Que de programmes logiquement infaisables, finalement faisant leur sale bonhomme de chemin ! A qui le tour, vocifère notre cauchemar...
Mais s'il n'est pas besoin de dresser à nouveau la liste des "pourquoi", tant de fois faite : économies en berne, échos de la mondialisation vécue comme sauvage, peurs de l'extérieur et des migrations, effet de loupe des médias et des réseaux sociaux, retour une miette millénariste sur les individualismes et les féodalités, c'est devant les "quoi faire" qu'on se trouve à présent, et c'est un sacré chantier ! On évacuera d'entrée ce qui pourtant commence à montrer le nez, ici et là, et peut-être plus près de vous que vous ne le pensez : ce suffrage universel brocardé, décidément pas bon pour tout le monde, dont d'aucuns voudraient faire un permis de chasse sur examen et à points... ! C'est bien évidemment de l'amont de ces étranges votes impulsifs, colériques, mais validés, dont il s'agit. "Je suis en colère !", disait hier un "Gilet jaune" à Emmanuel Macron qui répondait : "avenir écologique". Deux langues étrangères... C'est des causes des maltraitances de pans entiers des sociétés dont il faudrait pouvoir s'occuper, du fait de les avoir négligés, de les avoir ignorés, d'avoir trié "ceux qui prennent le train et ceux qui restent à quai" avec l'arrogance du revers hautain de la main. Le grand historien Fernand Braudel aurait dit qu'il s'agit là de gouvernances de temps court. Mais il s'agit aussi de populations à "conscientiser" aurait écrit quelqu'un d'autre, à faire revenir dans un collectif de bon aloi citoyen, plutôt qu'à les laisser pourrir dans "le moi-moi-moi", et ce "first" tellement désagréable à l'oreille. A éduquer comme citoyen, pas à pas. Il nous faut de l'Histoire et de l'enseignement des valeurs de la République... Avez-vous entendu les propos des jeunes adeptes, mot qui convient mieux qu'électeurs, de Bolsonaro ?! Et tout ça, dirait encore Braudel, c'est le temps long. Quelqu'un, il y a longtemps a dit que "gouverner, c'est prévoir", qui, de fait, tient tout le chantier en quelques mots. Nous, Européens, allons d'ailleurs pouvoir nous mesurer à l'équation dans peu de mois. Il nous reste quelques cartes en main, mais le stock s'amenuise...
Martine L Petauton
15 novembre 2018
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