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LA MONTÉE DE LA HAINE DE L'AUTRE

 

 

Catégorie : Actualité générale

 

 

 

 

 

 

 

La haine de l'autre est une haine de soi

 

 

 

   Depuis l'année 2008, nous avons vécu une accélération de la crise, à caractère multiforme, étant aussi bien économique,  que sociale, politique, culturelle, et morale - en somme "systémique", ou encore "de civilisation". Cette crise que nous traversons, notamment en France, en Europe, et au niveau du continent américain, est certes un élément fondamental du phénomène traditionnellement humain bien connu du rejet de l'autre, mais elle s'est progressivement transformée en une forme de haine, avec comme moteur principal l'hyper-individualisme. Et cette haine, dans le contexte d'un brouillage de plus en plus marqué des repères politiques, culturels, et moraux, est exploitée par les populistes de toutes sortes, et surtout par les partis politiques d'extrême droite. D'ailleurs, dans un nombre de plus en plus important de pays, les populistes d'extrême droite, ou les populistes et extrémistes de gauche, se sont emparés du pouvoir ou l'ont durci : ainsi en Hongrie, Pologne, Autriche, Italie, Etats-Unis, Brésil, Venezuela, Nicaragua, etc... On sait que la haine provient la plupart du temps d'abord de l'ignorance, et très souvent - en liaison avec celle-ci - des peurs générées, voire "vendues", pour des raisons d'audimat, par la caisse de résonance de certains grands appareils médiatiques, notamment télévisuels, qui ont sombré depuis longtemps dans le sensationnalisme de "l'entertainment" anglo-saxon et l'exploitation commerciale des drames planétaires...

 

   Je vais hiérarchiser ces différentes formes de haine, qui perçoivent de plus en plus "l'autre" non plus comme un concurrent, mais en tant qu'adversaire, ou même un ennemi (pour l'emploi à avoir, le droit social personnel, etc.). Il est bien évident - et cela remonte certes à très loin - que le haut de la pyramide de la haine touche avant tout les migrants et les immigrés, perçus le plus souvent comme des "profiteurs" de droits sociaux au détriment des "nationaux", des "vrais français", et même - selon l'expression employée par certains Gilets Jaunes (depuis novembre-décembre 2018), des "Gaulois" (comme on a pu le lire écrit sur l'arrière d'un très grand nombre de "gilets")... C'est dans ce contexte d'identitarisme que Marine Le Pen avait fait prendre un virage à 180° au "programme" du Front National (devenu Rassemblement National) par rapport à ce qu'avançait le parti frontiste à l'époque de son père. En effet, elle a repris le thème - traditionnellement de gauche - de "l’État protecteur" et de la "défense des services publics", uniquement réservé aux fameux FDS, ou "Français De Souche", une expression ne correspondant à rien de réel pour ceux qui connaissent l'histoire de la formation de notre pays. C'est ce qui donne une coloration "fascisante" à ses conceptions à la fois nationales et soi-disant sociales - avec un accès humain restreint...

 

   Après les immigrés, l'ennemi potentiel, c'est celui ou celle qui est au chômage, et que l'on soupçonne de ne pas vouloir travailler (sachant qu'il peut y avoir parfois effectivement des abus, mais que cela est minoritaire, a toujours existé, et existera toujours). En rapport avec ce que je vais appeler ici la "fracture culturelle" - de plus en plus inquiétante -, quel est le % de nos compatriotes qui savent que la fraude sociale (ceux qui abusent du système de protection sociale dans notre pays - le plus développé au monde) représente un chiffre ridicule par rapport à celui de la fraude fiscale ? En effet, la fraude sociale fut évaluée l'année dernière à environ 7 milliards d'euros (ce qui semble bien sûr considérable par rapport aux revenus d'un individu ordinaire) ; mais, pour la fraude fiscale, le chiffre s'est situé quelque part entre 80 et 100 milliards d'euros, voire davantage, car elle n'est pas facile à évaluer (ni par ailleurs à contrer, sinon au niveau européen, et même uniquement mondial). Pourquoi un nombre de plus en plus important de nos compatriotes concentrent-ils leur attention uniquement sur ces 7 milliards d'euros de la fraude sociale ? Attention ! car je ne suis pas en train de dire que celle-ci soit un phénomène banal contre lequel il ne faille pas lutter ; il y a des moyens pour le faire : recruter davantage d'inspecteurs du travail et de travailleurs sociaux - mais donc, ô scandale potentiel, des fonctionnaires... !

 

   Ensuite, viennent tous ceux, parmi nos compatriotes, qui sont au RSA (Revenu de Solidarité Active), qui remplaça le RMI (Revenu Minimum d'Insertion), ou (et) qui bénéficient d'aides diverses, notamment des jeunes (d'où l'essor, au sein de catégories de notre population, du rejet d'une partie de la jeunesse). Et puis, des handicapés qui, d'après certains, profiteraient tous plus ou moins d'une sorte "d'avantage inadmissible"... C'est là qu'intervient un phénomène extrêmement grave puisque correspondant à un comportement de type "schizophrène" de la part d'une partie importante des Français. Il s'agit (et c'était déjà le cas à propos des chômeurs) de la dénonciation de tous les "assistés"... On en arrive alors à une sorte de contradiction psycho-sociale, puisque les mêmes personnes qui dénoncent "l'assistance" (il est évident qu'il y a parfois des abus, contre lesquels il faut lutter) trouvent les aides en question tout à fait normales lorsqu'elles en ont besoin pour elles-mêmes, leurs enfants, leurs petits enfants, ou des membres de leur famille proche... En somme, le soi-disant "privilège" de "l'autre" (même s'il s'agit d'un vrai droit) devient, pour une majorité (?) de Français, lorsqu'il y a pour eux un besoin de soutien social, un "droit" (même si cela correspond en réalité à un vrai privilège)...

 

   Il y a également - malgré les tentatives, souvent peu réussies, de "fêtes des voisins" - la haine à l'égard de celle ou de celui, concurrent et ennemi (même s'il est intégré dans la société du travail), proche de tel ou tel français sur le plan du statut social. En effet, un nombre de plus en plus important de Français considèrent comme insupportable le fait qu'à côté d'eux un (ou une) de leur collègue de bureau (par exemple) touche, à qualifications égales (ou même à moindre qualification), 50 à 100 euros de plus par mois... Drôle d'époque que la nôtre, celle que j'appelais - en cours d'ECJS (Education Civique Juridique et Sociale), qui ont été remplacés par l'EMC (Enseignement Moral et Civique) -, auprès de mes élèves de première ou de terminale, la "jejecratie", ou la "moimoicratie" (la perception des problèmes qui se posent à notre société étant dominée par l’ego) ; soit une inquiétante rupture des solidarités. Léon Bourgeois (un membre important du Parti Radical sous la IIIe République), et père du "solidarisme", aurait de quoi s'en retourner dans sa tombe... Je remarque ainsi que les grands appareils médiatiques ont organisé, pendant très longtemps, une opération de "génuflexion obligée" (formule de Bernard-Henri Lévy) en rapport avec la mouvance des Gilets Jaunes ! Mais, qu'est-ce que celle-ci, sinon une simple coalition incohérente de revendications des "Je", et de plus en plus habillée par des mots de haine provenant d'une sensation psy de "toute puissance"... ?

 

   Pour terminer et actualiser cet article, en rapport avec ce que furent les six derniers mois que connut la France, comment ne pas rappeler le fait que, dans le cadre de "la parole décomplexée" et celui du contexte du "jaunisme", les pires expressions de haine se firent à nouveau jour dans notre pays (malgré ce que certains nommèrent "la fraternité des ronds-points"), avec des propos et des actes antisémites, racistes, sexistes, et homophobes... ? Soit une haine démultipliée, symptôme d'une nation malade, même si de nombreux autres pays que le nôtre ont été (et sont toujours) touchés par ces phénomènes. Pourquoi cela ? Entre autre parce que, dans notre monde, devenu tellement complexe à saisir, la grande majorité des gens n'ont pas eu la chance de recevoir les outils de formation nécessaires, ou n'ont pas le temps (en rapport avec leurs retours fatigués après leur travail) pour pouvoir se plonger dans des sources comparées afin d'échapper le plus possible au mal actuel de la "post-vérité", ou de la "vérité alternative", et des "mensonges fabriqués", par les populistes d'extrême droite ou autres. Dans un tel contexte, beaucoup vont chercher - et pensent trouver immédiatement - la réponse (simpliste et univoque), qui ne forcera pas le "citoyen" (indispensable dans une démocratie) à s'informer véritablement. Et les haines actuelles se déchaînent par réseaux sociaux interposés, et ceci à la vitesse de la lumière...

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

Chronique de Reflets du Temps refondue

 

16 avril 2019

 



16/04/2019
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