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LATTARA : UNE CITE ANTIQUE

 

 

Catégorie : Histoire

 

 

 

 

 

 

 

 

Site archéologique de Lattara et musée Henri Prades

 

 

 

   L'actuelle commune de Lattes, située entre Montpellier et Palavas-les-Flots, dans le département de l'Hérault, est une ancienne cité remontant à l'Antiquité, depuis le VIe siècle av. J.-C. - avec d'abord une présence étrusque, puis grecque (en rapport avec l'essor de la cité de Massalia - l'ancienne Marseille) et enfin romaine. Avant d'analyser les étapes de ce que l'archéologie et certains textes (épigraphiques et littéraires) nous apprennent sur la cité de "Lattara" (c'est ainsi qu'on la trouvait nommée dans l'Antiquité), je me permets de conseiller vivement la visite du musée archéologique Henri Prades de Lattes, dont l'exposition permanente est remarquablement mise en valeur, ainsi que du site des fouilles lui-même. La commune de Lattes est située à l'embouchure d'un fleuve (le Lez) qui se jette dans une lagune débouchant sur un cordon littoral (au niveau des étangs près de Palavas) et se retrouve aujourd'hui entouré de terres. Avant Henri Prades, le "découvreur" du site antique, depuis l'époque des Lumières et grâce aux historiens des XVIIe-XVIIIe siècles, on savait - grâce à des textes anciens - qu'avait existé une cité antique du nom de "Latera" ou "Latara" ; mais, on ignorait si Lattes correspondait bien à celle-ci...

 

   Henri Prades, instituteur, puis archéologue amateur (à l'origine), fit des découvertes fondamentales en identifiant le gisement de Lattara dans les années 1960. C'est en 1963 que deux de ses élèves lui signalèrent la présence d'un mobilier archéologique à Lattes, autour de la ferme dite de Saint-Sauveur. Les premiers sondages effectués permirent de trouver de la céramique de Campanie (une région du sud-ouest de l'Italie et ayant Naples pour capitale), mais aussi des amphores de la cité grecque de Massalia (une colonie de Phocée, ancienne cité grecque d'Ionie sur la côte de la mer Égée, dans le golfe de Smyrne, et qui avait été fondée entre le X? et le VIII? siècle av. J.-C. par des Grecs venus de Grèce continentale). Il y avait donc eu la présence d'un établissement sur le site bien avant la période romaine. En 1968 eut lieu une autre découverte : une dédicace (un document épigraphique) à Mars qui donnait le nom des habitants du site - IATTAR(ENSES) ; en conséquence, Lattara était bien à Lattes. On trouva aussi quelques autres sources écrites, soit épigraphiques, soit littéraires ; pour celles-ci, on peut citer Pomponius Mela et Pline le naturaliste...

 

 

 

 

 

 

 

Petite partie du chantier de fouilles

 

 

   Le site est une fondation ex nihilo à partir du VIe siècle av. J.C., avec une agglomération comprenant un rempart dont le périmètre se trouve entièrement conservé ; mais, récupéré pour ses pierres, sa conservation matérielle est très mauvaise. En dehors de Henri Prades, des fouilles ont été réalisées par Michel Py dans une zone proche du rempart, révélant un grand bâtiment d'une vingtaine de mètres de long, et qui a servi d'entrepôt pour une quarantaine d'amphores étrusques. Le site était donc urbanisé dès la fin du VIe siècle avant notre ère, avec une agglomération faite d'îlots d'habitations (en pierre et en briques) et d'un réseau de rues, ainsi que d'un port. La présence des Etrusques est certaine, comme l'a démontré l'ouvrage publié en 1974 sur la cité portuaire de Lattara par J. Arnal, R. Majurel, et H. Prades. On découvrit des amphores vinaires, de la vaisselle avec des graffites en alphabet étrusque et divers objets (dans le cadre de l'archéologie préventive) ; de plus, des fouilles récentes ont aussi été effectuées dans les couches les plus anciennes, et de nouvelles campagnes sont programmées, très prometteuses. Mais s'agissait-t-il d'une fondation de type colonial, d'un simple comptoir commercial du type emporion, ou d'une activité de commerçants provenant d'Etrurie venus ici afin de protéger les intérêts de leur aire culturelle ? Il existe enfin une autre possibilité : celle d'un comptoir commercial, dans le cadre d'une agglomération indigène, mais comprenant un quartier étrusque (avec habitat et entrepôt) près du port...

 

 

 

 

 

 

 

 

Lattara : le Lez, port, rempart, agglomération

 

 

 

   C'est avec la présence grecque que Lattara se développa rapidement, en liaison avec l'expansion ou la colonisation massaliote. La cité resserre alors son urbanisme autour de voies étroites et de maisons inspirées des modèles grecs. C'est d'ailleurs après une brutale destruction de la ville, par assaut (il y a des traces de feu), ou (et) abandon, que les influences apparaissent désormais comme grecques, avec une population indigène "gauloise", en rapport avec Massalia, surtout après 550 av. J.-C., sachant qu'à partir de cette date, Marseille commercialisa le vin et les vases étrusques et finit par développer sa propre viticulture ainsi que ses produits dans le sud de la Gaule (pensons à la céramique). J'ajoute que l'on dispose alors de plusieurs inscriptions en alphabet grec, avec y compris la mention de résidents d'origine hellénique sur le site. C'est bien à ce moment-là et dans ce contexte précis que la cité de Lattara fut définitivement construite, avec une interpénétration culturelle entre Grecs et populations indigènes "gauloises". Une grande question se pose alors : ces événements doivent-ils être replacés dans le contexte du partage de zones d'influence de type géopolitique (comme on dirait de nos jours) - et pour la Méditerranée occidentale - entre les trois grandes puissances de l'époque qu'étaient, dans cette zone de la Méditerranée, les Carthaginois, les Etrusques, et les Grecs... ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lattara : le Lez, port, rempart, maisons agglomérées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lattara : le Lez, port, rempart, habitations avec rues (1)

 

 

 

 

   La ville gallo-romaine se repère particulièrement autour de la découverte de la nécropole, qui se produisit à partir de mai 1968, avec 170 sépultures à incinération et cinq inhumations, tout cela incluant de nombreux objets archéologiques (vases de céramique et de verre, stèles funéraires, etc). On a également trouvé de nombreux outils en rapport avec tout ce qui était lié aux nécessités du travail pour l'artisanat et afin de se nourrir en cultures vivrières. Toujours à l'époque de la synthèse gallo-romaine, la ville disparut en fait précocement à la fin du IIe siècle ap. J.-C., en raison de l'ensablement dû à l'alluvionnement du port (lié à une évolution du niveau du littoral), et de la concurrence de Narbonne, d'Arles et de Marseille. Tout ceci fut bien une des raisons principales de la fin de ses activités portuaires. Lattara continua pourtant de jouer un certain rôle pendant ce qu'on appelle "l'Antiquité tardive", au moins jusque vers le VIIe siècle après J.-C. Pour conclure, je voudrais insister sur l'aspect pédagogique des chantiers de fouilles du site de Lattara, autant pour la formation des archéologues, que celle des étudiants (y compris étrangers), ou bien qu'en ce qui concerne les enseignants et des classes d'élèves du primaire et du secondaire - qui reçoivent ici une formidable et attachante initiation à l'archéologie. Pour la visite du chantier de fouilles, il faut se renseigner auprès du musée Henri Prades, notamment pour ce qui concerne la période estivale...

 

 

 

Article rédigé à partir d'une chronique qui avait été publiée sur le site Reflets du Temps,  revue et augmentée, sous la forme d'un article, avec l'autorisation de Reflets du Temps...

 

 

 

(1)- Par Jean-Claude Golvin

 

 

 

Eléments bibliographiques :

 

 

"Le port de Lattara" - Jean Arnal, René Majurel et Henri Prades, Institut National d'Etudes Ligures, 1974, 341 pages

 

"Lattara (Lattes, Hérault) : nouveaux acquis, nouvelles questions sur une ville portuaire protohistorique et romaine" - T. Janin, M. Py, Gallia, 2008, 230 pages

 

"Lattara : comptoir gaulois méditerranéen entre Étrusques, Grecs et Romains" - Michel Py, Éditions Errances, 2009, 342 pages

 

"Les objets racontent Lattara" - Lionel Pernet et Michel Py, Éditions Errance, 2010, 95 pages

 

 

Musée Henri Prades - 390 avenue de Pérols - 34970 - Lattes

 

http://museearcheo.montpellier-agglo.com/

 

Avec mes remerciements à Monsieur Lionel Pernet, qui fut Directeur du patrimoine et Conservateur du musée archéologique de Lattes de 2009 à 2015, et qui avait accepté d'actualiser ma chronique pour Reflets du Temps, Madame Diane Dusseaux ayant pris son relais - à ma connaissance - durant l'été 2015.

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

28 mars 2019

 



29/03/2019
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