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LES POPULISMES EN FRANCE DEPUIS 1880 - 1

 

 

Catégorie : Histoire 

 

 

 

PREMIERE PARTIE : DE 1880 A 1970

 

 

 

 

 

 

 

Caricature présentant le général Boulanger avec un "balai"

 

 

 

   Il est très à la mode aujourd'hui chez certains de prétendre que le terme de "populisme" ne serait pas adapté pour caractériser le phénomène lié à la montée des extrémismes de diverses sortes en Occident depuis déjà des années. Il y en a qui, pour le populisme d'extrême droite, préfèrent parler de l'essor d'une nouvelle forme de "fascisme" - ce qui est d'ailleurs parfois vrai. D'autres nient complètement l'existence d'un populisme d'extrême gauche, pourtant théorisé à l'origine en Amérique latine depuis plus d'une décennie ; ce qui est une bonne façon de tenter de mettre ce que j'appellerais "un cache-sexe" à la naissance, puis au développement, d'un social-nationalisme, d'abord sur le continent latino-américain, puis jusqu'en Europe. Je vais donc essayer, dans cet article, de montrer que le populisme d'extrême droite et que les populismes d'extrême gauche ne sont pas des nouveautés dans notre pays et que leurs premières manifestations se produisirent vers la fin du XIXe siècle. Nous irons ensuite jusqu'à nos jours, en tentant de voir ce qui caractérise les populismes (avec des points communs et des différences), et en quoi "populaire" et "populisme" sont deux concepts qui n'ont rien à voir l'un par rapport à l'autre. Mon point de départ se situe à l'époque du boulangisme, lorsque le général Boulanger tenta de préparer un coup d'Etat contre ce qu'était devenue - de son point de vue - une "République corrompue", la IIIe République ; cela se passait pendant les années 1885-1889.

 

   C'est en effet en 1885 que l'on commença à parler de ce général Boulanger, qui, ayant été ministre de la guerre, devint très populaire et remporta bientôt, pour lui-même et certains de ses soutiens, des élections législatives partielles. Son "programme" était simpliste : dénonciation de la "corruption" (et il est vrai qu'il y avait eu des "affaires", comme celle du scandale de Panama, mais qui ne toucha absolument pas l'ensemble des parlementaires), et volonté d'installer un régime politique antiparlementaire (les députés étant considérés comme des "bavards inutiles !") et autoritaire (ce qui s'appuyait en fait sur certaines bases de ce qu'avait été antérieurement le bonapartisme). On voit bien ici les rapports avec l'Actualité, dans ce qu'affirment les populistes de droite et d'extrême droite - par exemple Donald Trump et Jair Bolsonaro, etc. Certaines affiches électorales fleurirent sur les murs, à l'époque du boulangisme (ainsi à Paris), montrant "le brav' général" avec un "balai", prêt à "nettoyer" (ou à "faire le ménage") en France... Là encore, cette dernière expression vient d'être employée par le nouveau chef d'Etat brésilien Bolsonaro contre ceux qui seront ses opposants. J'ajoute que Boulanger était soutenu à la fois par des forces d'extrême droite (royalistes nationalistes et bonapartistes autoritaires) et des éléments politiques venant de l'extrême gauche (des socialistes révolutionnaires blanquistes). Cette conjugaison des extrêmes voulait la peau de la République tout court, "la Gueuse" (pour l'extrême droite), et "la République bourgeoise" (pour l'extrême gauche blanquiste)... On remarquera que cette coalition des extrémistes est tout à fait comparable à ce qui se passe actuellement en Italie avec l'alliance entre la Ligue du Nord (d'extrême droite) et le Mouvement Cinq Etoiles (des populistes de gauche)... Mais, le boulangisme s'effondra en 1889, en raison de la pusillanimité de son chef, qui n'osa pas pousser ses forces jusqu'au coup d'Etat. D'ailleurs, Boulanger se suicida par désespoir sur la tombe de sa maîtresse en septembre 1891, deux mois après la mort de celle-ci...

 

   Notre histoire connut d'autres mouvements de type populiste, jusqu'à l'apparition du lepénisme non comprise. Je vais en donner quelques exemples, qui furent moins importants que le boulangisme. D'abord, comment passer sous-silence la remise en cause de la présence des Juifs dans notre pays, et ceci déjà bien avant l'Affaire Dreyfus - qui éclata à partir de 1898 ; une affaire qui pourrait être comparée au rejet des immigrés par les populistes d'extrême droite et de droite dure actuels (et ceci malgré la présence multiséculaire des Juifs sur notre sol, en tant que français à part entière)... ? Ensuite, comment oublier la xénophobie populiste (et ne venant pas toujours uniquement de l'extrême droite) envers les immigrés italiens, espagnols (après la "reterida" - ou retraite républicaine - à la suite de la Guerre d'Espagne), Polonais, etc. ? Puis, il y eut les "syndicats jaunes", dont les membres étaient payés (comme des mercenaires ou des nervis) par le patronat pour briser les grèves face aux "marxistes", à une époque où le mouvement ouvrier et socialiste s'organisait de plus en plus, à la fin du XIXe siècle. Continuons avec, nettement plus tard, la création de la "Ligue des contribuables", pendant les années 1920-1930 (mouvement de classes moyennes dénonçant l'existence de l'impôt sur le revenu, créé en 1914 par le radical Joseph Caillaux). Dans les deux cas suscités - dénonciation des "marxistes" et des "impôts" -, cela apparaît de nos jours comme étant deux des principaux axes des refus et de la propagande de type populiste liés aux droites dure et extrême. Enfin, sous la IVe République, on assista à la grande vague populiste du poujadisme, orientée très à droite, avec un mouvement dirigé par Pierre Poujade (un petit commerçant de Saint-Céré, dans le Lot), qui créa l'UDCA (ou Union de Défense des Commerçants et des Artisans) en 1953. C'était une rébellion sectorielle étendue en une sorte de révolte des "petits" contre les "gros", le fisc, les notables, et face à de nombreux intellectuels considérés comme ayant perdu tout contact avec le réel (?), plus l'antiparlementarisme (même si les poujadistes eurent à un moment une cinquantaine de députés sous la IVe République, dont le plus jeune s'appelait... Jean-Marie Le Pen !). Ce mouvement à la fois syndical et politique avait fini par décliner. Encore plus tard, le CIDUNATI (ou Confédération Intersyndicale de Défense et d'Union Nationale des Travailleurs Indépendants), animé par Gérard Nicoud, prit le relais de ce mouvement, sous la Ve République, puisqu'il fut créé en 1970 ; Nicoud tenait un bar-restaurant dans un petit village de l'Isère, La Bâtie-Montgascon...

 

Une seconde partie, allant de 1970 à nos jours, sera publiée dans un autre article.

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

 

15 novembre 2018

 



15/11/2018
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