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LES POPULISMES EN FRANCE DEPUIS 1880 - 2

 

 

Catégorie : Histoire 

 

 

 

DEUXIEME PARTIE : DE 1970 A NOS JOURS

 

 

 

 

 

 

Caricature de Plantu présentant les populismes français en 2012

 

 

 

   Nous en arrivons à la période la plus récente, depuis le début des années 1970. Il y eut d'abord, à côté des groupuscules de ce que l'on appelle l'ultra droite, le populisme d'extrême droite de Jean-Marie Le Pen, qui s'affirma avec la création du Front National (en 1972). Il était fondé en premier lieu sur un antiparlementarisme explicite (le "Tous pourris !", évidemment faux, mais servant à instrumentaliser la dénonciation globale de la "corruption"). En second lieu, il y avait évidemment le traditionnel antisémitisme de l'extrême droite, l'antifiscalisme, la condamnation de l'immigration et son corollaire avec l'islamophobie (débouchant sur la théorie dite "du grand remplacement" en rapport avec l'identitarime ou la soi-disant "défense de l'identité nationale française" - au singulier). En troisième lieu, le rejet des "élites européistes et mondialistes", etc. Après Jean-Marie Le Pen, ce fut la continuité dans le changement (ou le contraire) avec le populisme d'extrême droite de sa fille Marine (à partir de 2011), qui joua à plein la carte de la dénonciation de l'immigration maghrébine en particulier, ou islamique en général, de l'européisme et du mondialisme, plus le rejet des "élites". La nouvelle chef du Front National abandonna par contre (en apparence seulement) l'antisémitisme - consubstantiel à l'extrême droite - car peu rentable désormais sur le plan électoral. Beaucoup plus proche de nous, se produisit la contamination populiste sur la partie la plus à droite de la droite (Nicolas Dupont-Aignan et ses amis, le wauquiérisme au sein du parti LR, etc.), chassant sur les mêmes terres que celles du Front National (devenu Rassemblement National il n'y a pas si longtemps).

 

   Mais, la grande nouveauté, rappelant le blanquisme de l'époque du général Boulanger, fut l'apparition d'un populisme de gauche, avec le mélenchonisme ("Qu'ils s'en aillent tous !", équivalent indirect du "Tous pourris !" du Front National, fut lancé par Mélenchon vers 2012). Je vais maintenant tenter de montrer avec précision que le mélenchonisme est bien un populisme de gauche. C'est en Amérique latine que naquit ce type de positionnement politique (revendiqué par Mélenchon), lorsque des "idéologues" issus de la gauche radicale, voyant que la distinction traditionnelle gauche/droite ne fonctionnait plus, proposèrent notamment à Hugo Chavez (au Venezuela) de la remplacer par l'opposition entre "le peuple" et "les élites", et aussi de regrouper tous "les antis" (dénonçant "le système"). Cela ne correspondait à aucune idéologie structurée (rien à voir avec un néo-communisme, par exemple), mais à la simple tentative d'exploiter une situation destinée à chasser sur les terres des populistes d'extrême droite, dans le but de récupérer des électeurs issus des catégories populaires et passés vers un vote d'extrême droite. En France, c'est de là que sortit le mélenchonisme, autour de l'expression de "révolution bolivarienne", qui ne veut rien dire par rapport à nos traditions politiques. On vit alors LFI (La France Insoumise) de Jean-Luc Mélenchon reprendre des thèmes populistes d'extrême droite (certes pas tous), comme "l'anti-système", l'expression de "peuple" (qui ne veut rien dire en soi, car il y a des peuples et non pas un seul peuple), une dénonciation générale et à sens unique de la "corruption" et des "élites", un certain antiparlementarisme déguisé sous couvert de "révolution par les urnes", etc. Dans le cadre de la sortie de l’édition française du livre "Construire un peuple", un dialogue entre Chantal Mouffe (philosophe théoricienne du populisme de gauche en France) et Íñigo Errejón (co-fondateur et stratège de Podemos), on trouve les bases d'un populisme de gauche à l'européenne... Il y a aussi Christophe Ventura, qui considère le "populisme de gauche" théorisé par Chantal Mouffe comme un concept pertinent aujourd’hui, puisqu'il parle d'un "moment populiste" dont il faudrait profiter pour faire éclater une crise de régime, donc "révolutionnaire"... La grande question qui se pose maintenant en France est la suivante : pourrait-il y avoir une forme de coalition - au moins à la base - entre tous les populismes (d'extrême droite, de droite dure, et celui issu de la gauche) ? Plus grave encore - mais, je n'y crois pas -, risquerions-nous d'aller à terme vers une situation à l'italienne, où les populistes de gauche du Mouvement Cinq Etoiles gouvernent en coalition (donc au sommet) avec le parti d'extrême droite de La Ligue du Nord ? Je rappelle au passage qu'Hugo Chavez, au Venezuela, fut soutenu à la fois par l'extrême gauche et l'extrême droite nationaliste ! Si nous en arrivions là, alors un "néo-fascisme", à la fois nationaliste et pseudo-social, se mettrait en place ; c'est d'ailleurs le grand rêve d'hommes politiques de l'ombre tel que Patrick Buisson (et de bien d'autres), qui verraient bien - d'ici quelques années - Marion Maréchal prendre la tête d'une sorte de grand "Parti du Peuple de France"... Là, le danger pour nos libertés deviendrait très important, avec la mise en place d'une "démocrature", ou d'une dictature tout court...

 

   Au niveau du mot "peuple", il faut insister sur les différences entre les concepts de "populaire" et de "populiste". J'approfondis maintenant ce point fondamental. "Populaire", ce fut notamment le cas à l'époque du Front populaire en France (entre 1936 et 1938), sous la direction du socialiste Léon Blum, ou du Frente popular en Espagne (entre 1936 et 1939), à l'époque des Républicains espagnols anti-franquistes, ou encore de L'Unitad popular au Chili (entre 1970 et 1973), pendant la présidence du socialiste Salvador Allende, etc. - qui avaient (en gros) tous réussi à unir le peuple de gauche de leur(s) pays en fonction d'une plate-forme idéologique définie comme commune (et qui n'était pas seulement un refus, avec l'antifascisme). Et "populiste" alors ? Eh bien là, tout éclate ! Il n'y a plus aucune idéologie commune tentant de mettre en place une coalition constructive. En France, il s'agit en effet, en dehors du nationalisme (qui est en réalité un refus mortifère, et non un projet) - et qui finit toujours par déboucher sur des guerres au moins régionales ("Le nationalisme, c'est la guerre", expression bien connue remontant notamment à Jaurès)... Tout le reste, pour les "populistes", n'est que refus et donc nébuleuse : refus de l'immigration et rejet de l'Autre, refus de l'impôt (jugé quasiment comme étant du vol), refus de la démocratie représentative classique (jugée à tort comme entièrement corrompue), volonté de mettre en place des régimes autoritaires (41% des français dans des sondages publiés récemment), mise en cause des "fonctionnaires", de "l'assistanat", etc. En somme, les populismes se définissent bien plus par ce qu'ils refusent que par ce qu'ils proposent. En ce sens, ils sont un symptôme - et aucunement un remède - de la crise globale de nos systèmes démocratiques. Pour finir, il faut ajouter un mot à propos des "Gilets Jaunes" actuels, dont les thèmes et les actions rappellent étrangement ceux du poujadisme de la IVe République (entre 1953 et 1958), un poujadisme (du nom de Pierre Poujade, petit commerçant du Lot) qui finit par être récupéré par l'extrême droite. En effet, Jean-Marie Le Pen, entre autres, était - en tant que parlementaire de l'Assemblée élue en janvier 1956 - le plus jeune député (et justement poujadiste) de la chambre, qui compta jusqu'à 52 élus, au slogan célèbre de "Sortez les sortants !"... A propos des "Gilets Jaunes", l'avenir dira comment évoluera ce qui n'est pour l'instant que "quelque chose" (ce n'est pas un "mouvement", car il n'y a (en tout cas pour l'instant) aucun leader, ni aucune organisation réelle) de protéiforme...

 

 

 

Jean-Luc Lamouché

 

 

 

20 novembre 2018

 

 



20/11/2018
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