ON PEUT TUER AVEC DES MOTS - 2
Catégorie : Histoire et Actualité
Journal annonçant l'assassinat du Mahatma Gandhi
J'ai montré, dans la première partie de mon article, et en m'appuyant sur des exemples parmi connus, que l'on pouvait tuer avec des mots, soit en étant assassiné à cause de mots employés par d'autres, soit parce qu'on a soi-même utilisé des mots tueurs. J'avais également écrit qu'il y aurait une seconde partie pour ce même article, dans laquelle je donnerai les exemples du Mahatma Gandhi, d'Indhira Gandhi (pour les Indes), des Kennedy (John Fitzgerald et Robert) (au niveau des Etats-Unis), de Martin Luther King et de Malcolm X (encore pour les Etats-Unis), plus ceux d'Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat (en rapport avec les tentatives de paix au niveau du problème israélo-palestinien)... Je signale au passage que ce furent pratiquement toujours des hommes de bien et pacifiques qui furent assassinés à cause de mots employés par des individus ne voulant pas la paix et la réconciliation entre les hommes. Lors d'une discussion que j'avais eue avec un membre de ma famille, il m'avait rétorque : "Et Ben Laden ?"... Grave erreur de sa part, car le chef d'Al-Qaïda, qui avait lancé une guerre contre les Etats-Unis en particulier et l'Occident en général (rappelons-nous de l'attentat contre les tours du World Trade Center le 11 septembre 20001 !), n'avait récolté, en acte de guerre, que ce qu'il avait semé, puisque le président américain Barack Obama prépara et prit la tête de l'opération destinée à éliminer le chef des terroristes.
Le Mahatma Gandhi ("Mahatma" voulant dire "La Grande âme") aurait voulu que l'ancien Empire des Indes britannique demeure unifié, malgré la présence de multiples cultures et religions (surtout les hindouïstes et les musulmans), une fois l'indépendance obtenue en 1947, après les négociations avec Lord Mounbatten - le dernier vice-roi des Indes britanniques. Mais, les choses ne se passèrent pas ainsi, au grand désespoir de Gandhi, qui appelait à l'unité et à la fraternité, avant tout entre hindouïstes et musulmans. Le chef musulman Ali Jinnah voulait absolument que deux Pakistan musulmans (à l'est et à l'ouest) soient totalement indépendants de l'Inde hindouïste. L'indépendance séparée de l'Inde et des deux Pakistan fut donc signée le 15 août 1947. C'est Jawaharlal Nehru (le chef du gouvernement de l'Inde) qui annonça l'indépendance. Mais, il y eut tout de suite un important problème à régler : celui des transferts de populations musulmanes vers les Pakistan et hindouïstes en direction de l'Inde (lorsqu'elles n'habitaient pas dans le pays adéquat). Or, lors de ces transferts, des colonnes de musulmans et d'hindouïstes se trouvèrent non loin les unes des autres, ce qui provoqua évidemment de terribles massacres ! Malgré les exhoratations à la paix civile et le jeûne prolongé de Gandhi, les massacres se calmèrent difficilement. Des mots terribles furent prononcés par des hindouïstes contre Ganhi (qui suivait des préceptes résultant de schismes par rapport à l'hindouïsme), qui le voyaient comme un "traître" envers les Hindous. C'est dans ce contexte que, le 30 janvier 1948, alors qu'il était en chemin vers une réunion de prière, Gandhi fut abattu par balles près de Birla House, à New Delhi, par un nommé Nathuram Godse, un hindou nationaliste ayant des liens avec le groupe fanatique Hindu Mahasabha. Godse tenait Gandhi pour responsable avant tout de la partition de l'Inde au profit des musulmans et par là de son affaiblissement. Indhira Gandi - qui était en fait la fille unique de Nehru (chef du gouvernement de l'Inde indépendante), devint Premiere Ministre de l'Inde en 1966, et ceci jusqu'en 1977, puis à nouveau entre 1980 et 1984. Cette femme d'Etat n'avait pas du tout les mêmes conceptions que son père, et encore moins celles de Gandhi. Face à des difficultés et à des troubles intérieurs, elle n'hésita pas à proclamer l'état d'urgence dans le pays et à prendre des mesures extrêmement autoritaires (on pourrait même parler de dictature). Elle finit par être assassinée parce qu'elle s'opposa avant tout aux fondamentalistes sikhs, une sorte de secte croyant en un Dieu unique, "Le Créateur", et qui demande à ses adeptes des obligations d'apparence (mais d'apparence seulement) très pacifiques. Le 31 octobre 1984, Indhira Gandhi, qui avait déclaré le 30 octobre : "Si je dois mourir au service de la nation, je le ferai avec fierté", fut assassinée par deux de ses gardes du corps sikhs. Son corps fut criblé d'au moins trente balles...
Pour les Etats-Unis, nous avons quatre exemples à examiner. D'abord, celui du Démocrate John Fitzgerald Kennedy (35e président américain, entre janvier 1961 et novembre 1963), et qui fut assassiné dans des conditions extrêmement complexes ; qui réalisa vaiment cet assassinat et pourquoi... ?). Le 22 novembre 1963, lors d'une visite pré-électorale de Kennedy à Dallas, le cortège présidentiel traversa la ville à petite vitesse, salué par la foule amassée. Alors que la limousine décapotée du président passait sur Dealey Plaza vers 12 H. 30, des coups de feu éclatèrent. Le président fut d'abord blessé au cou, puis une balle l'atteignit à l'arrière de la tête, endommageant gravement la partie arrière supérieure de son crâne, et ressortit probablement par la tempe droite. Aussitôt transporté au Parkland Hospital, il fut déclaré mort à 13 H. après de vains efforts de réanimation. On assista à une consternation générale en apprenant la nouvelle... Parmi les causes qui ont été évoquées concernant cet assassinat (rôle de la mafia, de la CIA, etc.), il y en a une sur laquelle on n'insiste pas assez, à mon avis. Les Kennedy soutenaient le mouvement des droits civiques en faveur des afro-américains, et il est tout à fait possible que ce soit des militants de l'extrême droite américaine, et pour cette raison, qui assassinèrent John Fitzgerald Kennedy... N'oublions pas l'importance de la haine raciale à l'égard des noirs, notamment dans le sud des Etats-Unis (Dallas étant par ailleurs une ville importante du sud de la nation américaine). Ensuite, le cas du frère du président Kennedy, à savoir Robert, dit "Bobby" Kennedy, ayant été élu sénateur de l'Etat de New York, puis candidat pour les primaires (en vue des élections présidentielles) du Parti Démocrate. Robert Kennedy développa un certain nombre de thèmes de gauche (aux Etats-Unis, on dit qu'il était "a liberal"), en dénonçent publiquement la guerre du Viêt Nam et en soutenant la lutte en faveur des droits civiques, la justice sociale, et l’égalité - par rapport aux minorités ethniques, afro-américaine au premier chef. Il fut assassiné le 5 juin 1968 dans des conditions là encore extrêmement troubles. Parmi les tirs, il y eut celui d'un militant d'extrême droite d'origine cubaine... Il y eut enfin les assassinats de deux responsables afro-américains : Marin Luther King et Malcolm X (même si le premier prônait l'entente entre les blancs et les noirs et l'autre une conception plus radicale). Martin Luther King mourut assassiné le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee : encore dans le sud). Tout le monde connaît la lutte pacifique de ce pasteur baptiste afro-américain, militant pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis, pour la paix, et contre la pauvreté. Rarement un homme (pensons à son discours "I have a dream") suscita à la fois autant d'espoir chez certains et de haine de la part des suprémacistes blancs américains ! Malcolm X, né Malcolm Little, adopta le pseudonyme de "Malcolm X" lors de son passage en 1952 au sein du mouvement Nation of Islam. Il s'éloigna finalement de celui-ci en 1964, principalement en raison de désaccords sur la passivité de l'organisation dans le combat contre la ségrégation raciale. Il évolua alors, peu avant sa mort, vers des positions socialistes et internationalistes. Il fut assassiné le 21 février 1965 par trois militants de Nation of Islam (un règlement de comptes ?), mais avec une possible implication du FBI...
Pour Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, nous voici au cœur du conflit israélo-palestinien, qui avait commencé après la création de l'Etat d'Israël en mai 1948, avec les guerres de 1949, 1956, 1967, et 1973. Les assassinats de ces deux hommes politiques eurent lieu dans le même contexte. Il s'agissait d'en arriver à "la paix contre les territoires" - qu'Israël avait occupés à la suite de la Guerre des Six jours en 1967. Le Premier Ministre israélien Rabin était un membre très important du Parti Travailliste (gauche israélienne). Après une carrière dans l'armée ("Tsahal", ou "Défense"), au sein de laquelle il atteignit le grade de général, il se lança dans une carrière politique. Il fut Premier ministre d'Israël de 1974 à 1977, puis à nouveau de 1992 jusqu'en 1995. Il reçut le prix Nobel de la paix en 1994, notamment pour son rôle actif dans la signature des accords d'Oslo en 1993 (discussions menées en secret, en parallèle de celles publiques consécutives à la Conférence de Madrid de 1991, entre des négociateurs israéliens et palestiniens à Oslo en Norvège, pour poser les premiers jalons d'une résolution du conflit israélo-palestinien). Voilà pourquoi Rabin fut assassiné par un extrémiste religieux et nationaliste juif en 1995 ! Dirigeant de l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) et du Fatah (branche laïque du mouvement palestinien), Yasser Arafat resta pendant plusieurs décennies comme une figure controversée de l'expression des aspirations nationales palestiniennes, puis finit par apparaître pour Israël comme un partenaire de discussions dans le cadre du processus de paix israélo-palestinien durant les années 1990. Arafat représenta alors les Palestiniens dans les différentes négociations de paix et signa les accords d'Oslo en 1993. Il devint le premier président de la nouvelle Autorité palestinienne et reçut le prix Nobel de la paix en 1994 avec les Israéliens Shimon Peres et Yitzhak Rabin. Après l'assassinat de Rabin, Arafat essaya de poursuivre les négociations avec les dirigeants israéliens. Le sommet pour la Paix au Proche-Orient de Camp David, en juillet 2000, puis le Sommet de Taba (dans la péninsule du Sinaï), en janvier 2001, en présence de Bill Clinton (Président des États-Unis), d'Ehud Barak (Premier Ministre d'Israël, membre du Parti Travailliste), et de Yasser Arafat (Président de l'Autorité Palestinienne), ne débouchèrent pas. Arafat perdit alors du crédit auprès d'une partie importante de son peuple (accusations de corruption). Face à son isolement international et au durcissement de la politique israélienne (avec la droite au pouvoir en Israël : Ariel Sharon devenant Premier Ministre), il se trouva qu'en plus sa mort fut annoncée le 11 novembre 2004. En 2012, sa dépouille a été exhumée pour étudier l'hypothèse d'une mort du leader palestinien par empoisonnement. L'équipe d'experts suisses conclua à l'empoisonnement, mais les équipes russes et françaises à une mort de vieillesse à la suite d'une gastro-entérite. Le 21 juillet 2015, le parquet de Nanterre prononça un non-lieu dans l’enquête sur la mort de Yasser Arafat. La question se pose cependant toujours de savoir s'il fut ou non éliminé par une tendance radicale de la cause palestinienne... ?
Pour terminer cette seconde partie de mon article, et même bien sûr l'ensemble de ses deux parties, et sans nier les problèmes sociaux actuels de notre pays (rappelons d'ailleurs qu'il n'est pas le seul à en connaître), je voudrais mettre en garde ceux qui, en France, et en cette période de l'automne 2018, ont pu sombrer dans l'ivresse et même parfois l'hystérie des mots employés, de faire très attention à ce qu'ils disent - voire vocifèrent. Il y a en effet l'apparent "jeu de massacre" du type défouloir des appels au meurtre, de la part de personnes qui ont à peine l'excuse de ne même pas se rendre compte des conséquences que pourraient avoir ce qu'ils disent (car ils n'ont aucune expérience du combat politique). Et, plus encore, il y a ceux - notamment celui - qui sont (qui est) allé(s) jusqu'à dire à l'adresse du chef de l'Etat : "Il est fou ! Je le hais !"... et qui (ont ?) poursuivi par un véritable appel indirect au meutre... ! L'Histoire nous a montré - j'en ai donné les principaux exemples pour la fin du XIXe siècle et le XXe siècle - qu'il suffit de tomber sur un individu se sentant dans la "toute puissance" (au sens psychiatrique du terme), voire un semi-déséquilibré, pour qu'il y ait un passage à l'acte, avec assassinat en bout de course ! Puisse mon travail avoir servi à quelque chose et que je serai entendu au moins par quelques-uns...
Eléments de base bibliographiques :
"Gandhi (1869-1948) : Parcours d'un citoyen peu ordinaire" - Christophe Bouillet, Editions 84, 2007, 92 pages
"John Fitzgerald Kennedy : une famille, un président, un mythe" - André Kaspi, André Versaille Editeur, 2013, 352 pages
"Robert Kennedy" - Guillaume Gonin, Fayard, 2017, 312 pages
"Marin Luther King" - Alain Foix, Folio, 2012, 320 pages
"Malcolm X : Une vie de réinventions (1925-1965)" - Manning Marable, Editions Syllepse, 2014, 752 pages
"Rabin : Mission inachevée" - Collectif, Bayard Jeunesse, 1996, 305 pages
"Yasser Arafat" - Amnon Kapeliouk, Fayard, 2004, 519 pages
Jean-Luc Lamouché
Le 15 décembre 2018
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