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"LA BRANCHE A CRU DOMPTER SES FEUILLES..."

 

 

Catégorie : Histoire et Actualité

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Michel Caradec

 

 

 

"La branche a cru dompter ses feuilles

Mais l'arbre éclate de colère

Ce soir où montent les clameurs

Le vent a des souffles nouveaux

Au royaume de France..."

 

 

Paroles de la chanson "Mai 68" - Jean-Michel Caradec

 

 

   Qu'il est beau le souvenir de cette chanson de Jean Michel Caradec, le regretté baladin mort en 81, que vient de m'envoyer quelqu'un de proche ! Dédiés à Mai 68, ces quelques vers qui coiffaient son mail, et donc voulaient sans doute faire écho aux gars des ronds-points de cette fin d'un an 18, 2018, à plus de 50 ans de l'autre, donc. Alors, comparaison fait-elle raison, entre ce lointain et déjà historique printemps et ce presque hiver  ? Cela a été dit au coin de quelques photos, des occupations extérieures de carrefours en écho aux usines bondées d'hier, et, plus peut-être - ce qui n'est pas sans interroger - calées sur des images de violences dévastatrices, sonorisées par l'antienne du mot chaos, comme si un pavé équivalait à un autre... Eux, les "Gilets" y faisaient de temps à autre référence, en balancement aux p'tits jeunes journalistes de médias survoltés par "l’événement". Mais, faire écho et référence remplace-t-il l'Histoire ? A l'évidence, non. Tout ce qui bouge, se révolte, et parle haut, "au royaume de France", n'accouche pas d'un Mai... Vrai une fois de plus. Toutefois... ces temps-ci, quelques rapprochements pertinents fusent parfois. Complexe la période, comme le sera l'Histoire quand elle aura la bonne distance pour regarder tout ça de plus près.

 

 

 

 

 

 

 

Manifestation contestataire en Mai 68

 

 

 

   Le grand Mai, faut-il le rappeler, a éclos aux confins de "Trente glorieuses" d'abondance (1945-1975), dans les tremblements subtils des peurs de la fin pressentie du "pourvu que ça dure", et dans l'éclairage d'une société de consommation faisant montre du fait que le "ruissellement" n'irriguait pas l'ensemble du paysage social. A l'époque, sans TV en boucle et surtout sans réseaux sociaux braillants, ça se voyait déjà, dominant le concert, cet appétit du juste qui suinte aujourd'hui des feux des ronds-points... La foule étudiante, directement issue de la période précédente, fils et filles de la guerre et de l'après-guerre, ne parlaient plus uniquement les langues des élites financières ou intellectuelles. La France était encore fortement industrielle, les mouvements des classes laborieuses d'alors se mesuraient depuis le Nord ou la Lorraine, et Boulogne-Billancourt, on le sait, servait de thermomètre sur les bureaux des ministres. Revendiquer passait - naturellement - par des relais, syndicats installés ou "novelletés" estudiantines plus bruyantes, mais où parlaient des délégués (et l'on put voir du coup les difficultés de coudre ensemble des tissus si différents), mais, mis à part le discours récurent de quelques drapeaux noirs, ce n'était pas mon petit moi, qui portais "mes" revendications, "mon" ressenti, "mes" besoins, pas moins "mes" rêves... J'étais totalement "avec" d'autres, et je choisissais, mes livres d'Histoire et de Philo à la main, mon camp. Tout l'inverse de l'esprit qui colore aujourd'hui le "mouvement jaune" ! On se révoltait alors, collectifs en diable, et la chaleur bouillonnante allait bien au-delà du parfum des barricades. Et puis, que chantait-on ? Derrière du vivre mieux, bien sûr, du vivre différemment surtout, et cet "interdit d'interdire", ce «"sous les pavés la plage" brandis au nez noir et blanc comme la TV d'alors d'un régime gaulliste fatigué, et incroyablement verrouillé. 68 aura été - au final -, comme on dit vite fait, maintenant sur les réseaux sociaux, une "fête" formidable, une gigantesque brisure, d'une richesse brouillonne et parfois depuis, mal archivée, qui, grosse cerise sur le gâteau, put boire un coup à l'ombre du jackpot (avec 30 % d'augmentation des minima sociaux) de s accords de Grenelle. Jeunesse et danse sur les feux (les derniers probablement) de l' abondance, dont - ne jamais l'oublier -, le sort des femmes, des élèves, des gamins aux tables familiales, découla, et, je le crois, découlent encore...

 

 

 

 

 

 

 

 

Taxes comme point de départ de la colère des Gilets jaunes

 

 

   Alors "les Gilets" dans tout ça ? ce magma multiforme "d'en-bas" (mais le rez-de- chaussée n'est pas la cave, et il y a du monde plus bas). Gens assez peu jeunes, et pas mal de quinquas-sextas, petits employés, petites professions libérales, chômeurs en quantité non négligeable si peu présents, tous, dans la photo jaunie de 68. Par contre, aussi, des voix de femmes qui pourraient résonner sur Mai, émouvantes, joliment pédagogues et pragmatiques. Mais - énorme différence avec Mai -, ces affirmations revendiquées d'être "non politisés", de ne pas voter (sic !)... beaucoup se sentant pour autant très proches du RN (Rassemblement National), de ne jamais avoir manifesté, face au monde et aux mentalités sur-militantes, hyper-politisées de 68 (la politique était notre langue). Entre ces deux espaces temps, l'incontestable de la méfiance, quand ce n'est pas le rejet total, des corps intermédiaires constitués - foin de syndicats démonétisés et de leur (supposée ?) culture du dialogue social ; rejetés au fossé les partis politiques, fanions usés d'un "ancien monde" (la formule serait-elle au bout le point commun entre "le haut" et "le bas" de l'hexagone ?)... Il semblerait que ne surnagerait dans ce refus massif que les maires, les plus proches des élus, comme on se réfugierait au giron d'une famille, d'un modèle archaïque féodal du donnant-donnant facile à appréhender et à peser. Fermetures, peurs, repli quasi-identitaire (que ceux qui croient que le racisme et la crainte des flux migratoires n'ont pas habité le "temps-Gilets" rechaussent lunettes et prothèses auditives !). Donc, non, les rêves et les croyances diverses de 68 peuvent difficilement être comparées, même une miette, à ces angoisses sociales qu'on traverse et à ces agressivités qui les accompagnent, ces luttes de "tous contre tous" qui ne font chanter personne...

 

   Alors, me direz-vous, il y a bien eu cet incendie venu des gens eux mêmes, d'une sorte de base, fut-elle multiforme, lointain écho au "Mouvement du 22 Mars", parti de presque rien/presque tout (les rapports garçons-filles) sur le campus de Nanterre. Mais, on y revient ! Fossé entre Dany et ses copains, phalange si politique et idéologique, et ces pauvres "Macron, démission !" en guise de programme, avec un Cohn-Bendit, et l’œil bleu de ses 74 ans passés, fin observateur et critique toujours pertinent, soutenant au bout la République en place... Par contre, c'est peut-être du côté de nos gouvernants face à la crise que l'on peut voir des rapprochements. Hier, comme aujourd'hui, le syndrome cocotte- minute devant des postures autoritaires et arrogantes, sûres d'elles-mêmes et dominatrices, devant des prédations économiques et sociales, aujourd'hui surtout, plus que mentalités, vécues comme insupportables. Des demandes à exécution immédiates ; une impatience face au trop long silence des autorités. Ici, comme là-bas, le feu à la plaine... Les réponses tardives et in fine précipitées et inexpérimentées de notre pouvoir exécutif ont-elles éteint le feu ? Celui-ci, pour le moment, sans doute. Mais, qu'Emmanuel Macron ne s'endorme surtout pas : il n'est pas De Gaulle - sans doute le sait-il -, et une manifestation géante voulant "sauver la république" ne suffirait probablement pas. "Libération" titrait d'ailleurs récemment, à destination du chef de l'Etat, sur ce : "le premier jour du reste de son mandat", qui devrait le maintenir éveillé...

 

 

 

 

Martine L. Petauton

 

 

 

20 décembre 2018

 



05/01/2019
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