QU'EST-CE QU'UN CONSTRUCTIF DE GAUCHE ?
Catégorie : Opinions
Afin que les choses soient bien claires, en cette période confuse de perte des repères, je voudrais résumer assez rapidement quel est mon positionnement politique au niveau des structures - donc peu susceptible d'évoluer dans l'immédiat -, et qui est le même depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la république. Venant de la famille de pensée du socialisme démocratique (car il y en eut un qui ne le fut pas et sombra dans le totalitarisme puis l'autoritarisme), je suis toujours totalement ancré dans cette tradition historique - et pour être précis de type rocardienne. Voilà pourquoi, par rapport au pouvoir exécutif en place dans notre pays, je me situe toujours comme un constructif de gauche, de la même façon qu'à l'Assemblée des députés il y a un groupe parlementaire de "Constructifs" (environ une quarantaine de députés) issus du centre-droit, quant à lui. Au moment où Emmanuel Macron remporta les élections présentielles d'avril-mai 2017, j'aurais souhaité que "Nouvelle gauche" (le groupe de l'ancien PS), au lieu de faire de l'opposition systématique (pensant ainsi que l'on ne peut par définition exister qu'en s'opposant d'une manière systématique - même quand on est d'accord sur une idée), contribue à mettre en place un grand pôle social (avec d'autres) au sein de l'Assemblée des députés, dans le cadre ou en périphérie critique de la majorité présidentielle : savoir dire oui et savoir dire non, selon les cas (ce que demandent en fait une grande majorité de Français, et depuis longtemps). Ce groupe aurait pu faire pression sur l'Exécutif, en regroupant peut-être à terme une force d'une centaine de parlementaires (?)
Pourquoi un tel positionnement politique de ma part ? Le point de départ est issu de l'état de mort cérébrale (que j'espère provisoire) de l'appareil politique du PS, mené tant bien que mal par un Olivier Faure particulièrement courageux - mais à qui ses amis cadres socialistes sont bien loin de ne faire que des cadeaux... J'aurais donc pu me dire qu'il me fallait mettre mon clavier d'ordinateur au service de la seule reconstruction d'un socialisme ouvert digne de ce nom. Mais, le grand problème, c'est que nous vivons (et pas seulement en France) un épuisement absolu de la sociale-démocratie (ce qui ne veut pas dire forcément une disparition - au sens historique). Quelles sont les raisons de cette grave crise du socialisme démocratique (qui m'est si cher, car c'est ma "vieille maison") ? La principale réside dans l'essor de l'hyper-individualisme qui a atomisé la société française (rupture des solidarités) et l'existence d'une grave crise (pas seulement économique, mais systémique) qui fait que la redistribution juste des richesses (une des missions de base de la sociale-démocratie) est devenue de plus en plus difficile - surtout avec cette "croissance molle" que nous subissons, et sachant en plus qu'une croissance à 3% nous ferait contribuer à violenter la planète (c'est ce que j'appelle "la tenaille" - en réalité une des tenailles auxquelles nous devons faire face)... Et puis, de toute façon, les partis de gouvernement ont fini de plaire, comme on dit, aussi bien pour la gauche dite "de gouvernement" qu'en ce qui concerne ce qu'on appelait la "droite républicaine" (en voie de disparition progressive depuis plusieurs années, pour cause de radicalisation). Le collectif disparaît derrière le déchaînement du règne du "moi" et du "je", avec internet comme symbole et même catalyseur fondamental. Par contre, je suis certain que si la crise se calmait, des marges, pour une politique sociale, redonneraient son véritable espace politique au socialisme démocratique - qui ne peut sans doute pas mourir, mais devra évoluer...
En attendant cette éventuelle remise en marche progressive de la sociale-démocratie, et pour reprendre une expression célèbre : "Que faire ?" (formule employée par Lénine en son temps, avant le coup d'Etat d'octobre 1917). Ce XXIe siècle bien entamé va de plus en plus opposer les partisans d'une société globalement ouverte à ceux d'une société fermée montant des murs partout et dans tous les domaines ; ils seront - et sont déjà - issus des gauches et des droites, en croisements. On le voit bien actuellement dans le cadre de l'UE, où plusieurs pays sont gravement touchés par le populisme d'extrême droite ou même l'union des populismes d'extrême droite et de gauche (pour ce cas, je pense évidemment à l'Italie). Face à cette montée mortifère des populismes nationalistes, le socialiste que je suis doit avant tout faire bloc avec tous ceux qui veulent défendre prioritairement la démocratie, la république, nos institutions (qu'il faudra réformer en profondeur), et la fonction présidentielle (traînée dans la boue par la plupart des Gilets Jaunes)... Je me dois aussi de défendre prioritairement le multilatéralisme contre tous les populismes nationalistes, dans mon pays, en Europe, et dans le monde - contre Vladimir Poutine (le pape des nationalistes européens) et les trumpiens (qui salissent l'image de l'Amérique que j'ai toujours aimée, et que j'aime toujours).
Comment me situer, dans ces conditions, si j'étais parlementaire ? Autrement dit, comment agir et voter par rapport à la majorité actuelle regroupée autour d'Emmanuel Macron ? Partons d'une idée simple : en politique, il faut distinguer ses ennemis, ses adversaires, et ses concurrents (plus ou moins proches). Dans les conditions actuelles, Emmanuel Macron ne peut nullement être pour moi, socialiste, un ennemi... La question est donc : apparaît-il comme un adversaire ou un simple concurrent avec lequel une "alliance" est possible ? Un adversaire, certainement pas - sauf lorsqu'il prend ponctuellement telle ou telle mesure qui pourrait (peut) aller dans un sens contraire à mes convictions les plus profondes. Un concurrent, peut-être, mais avec lequel j'ai décidé de faire "alliance" en raison de l'état dans lequel se trouve ma famille de pensée (mais pas seulement). Loin de moi le fait d'être une sorte de nouvelle mouture du "social-traître" aux yeux de ceux qui tentent de maintenir quelque chose au sein de la "vieille maison" ; ceux qui me connaissent vraiment ne peuvent ignorer que ce n'est pas du tout mon genre... Et la preuve, c'est qu'en cas d'absence de danger immédiat provenant de l'extrême droite et des populistes en général (Mélenchon y compris), pour des présidentielles ou des législatives, il est évident que je me ferai(s) plaisir en votant PS. Mais, à condition que cette structure politique ne joue pas le jeu de la politique du pire en présentant Emmanuel Macron quasiment comme l'équivalent de ce qu'aurait été... ne parlons pas de Marine Le Pen mais tout simplement François Fillon, qui, logiquement, je vous le rappelle, devrait être président actuellement si...
En somme, dans l'intérêt (tel que je le ressens au plus profond de moi-même) de mon pays, de la république, et de la démocratie, mon premier combat restera contre et non pas pour, car il m'apparaît comme impossible - ce serait en effet une catastrophe - de raisonner autrement. Tout doit être concentré, selon moi, contre les divers populistes, quels qu'ils soient, de droite comme de gauche (RN et LFI de Jean-Luc Mélenchon), qui amèneraient la France à la banqueroute en quelques mois et nous feraient sombrer dans une pratique politique de type autoritaire. Je sais donc avant tout contre qui je dois me battre. Je ne suis pas un "macronien de gauche", mais un constructif de gauche (ce qui n'est pas du tout la même chose) qui essaye de penser d'abord à l'intérêt (tel qu'il le perçoit) de son pays, la France. Je ne veux pas d'une évolution à l'italienne à la suite de l'élimination de celui qui était l'icône de la sociale-démocratie européenne, Matteo Renzi, au profit d'une coalition terrifiante entre les populistes d'extrême droite de la Ligue du Nord et les populistes de gauche du Mouvement Cinq Etoiles. En effet, c'est là, au niveau de leurs équivalents français, que sont clairement mes "ennemis", et nulle part ailleurs... Pour le reste, attendons la fin des décantations politiques, et au premier chef le retour au calme face notamment à la folie oxymorique du "jaunisme"...
Jean-Luc Lamouché
9 février 2019
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